Make a wish


Ou faites un vœu en bon français. Cela donne toujours un style quand on utilise une expression anglo-saxonne. Cela peut donner l’illusion d’adoucir un contexte bien terne et fade. Même une lectrice senior du dernier livre de François Hollande, « Bouleversements », paru chez Stock, a fait remarquer à l’ancien Président de la République en dédicace à Blois le 7 décembre, que ce bouquin-ci était moins fleuri. D’un verbe moins drôle qu’à son habitude. Triste, a-t-elle alourdi. Même la blague du scooter finit par paraître éculée dans cette ambiance de pinces sans sourires. La fin de cette année 2022 va bientôt sonner, et peut-être que c’est tant mieux, ou peut-être que ce sera encore pire en 2023. Évitons de jeter un oeil aux prédictions de Nostradamus écrites en l’an 1500 qui annoncent pêle-mêle nouvelle guerre mondiale, morts du pape et de Vladimir Poutine, astéroïde apocalyptique, homme sur Mars. De fait, qu’oser émettre comme souhaits, à un instant où rêver devient exercice peu aisé ? Celui immédiat de ne pas devoir subir des coupures d’électricité qui vont avoir lieu et puis en fait non, pas d’affolement, et puis finalement, peut-être que quand même si ? D’autant plus que le Gouvernement m’a dit d’aller siffler là-haut sur la colline, d’attendre avec un petit bouquet d’églantines et un col roulé, j’ai cueilli, obéi et j’ai sifflé tant que j’ai pu; j’ai attendu, attendu, la promesse promise n’est jamais venue ! Ces douze mois presque écoulés ont soufflé le chaud comme le froid, entre Covid persistant, conflit russo-ukrainien grandissant, climat flippant, planète B inexistante et nouveaux mots à la mode grise mine venant compléter notre vocabulaire. La menace de disparition de la galette des rois en janvier, conséquence possible d’une crainte de fermeture des boulangeries de France et de Navarre sous la baguette de Damoclès électrico-énergétique, ajoute une corde de nouveau scandale à un monde où tout est déjà chamboulé et qui ne sait plus sur quel pied d’inflation danser. En aparté, la grande distribution a déjà sorti les desserts frangipane de l’Épiphanie dans ses rayonnages, au milieu des bûches, panettones et brioches stollen, alors réalisez des stocks de deux poids, deux mesures d’abondance… Enfer et damnation, les plus pauvres vont-ils se battre à coup de réchauds et de radiateurs en 2023 ? Là encore, dans une société sur trame de poudrière sociale, nourrie au biberon de la peur au point que certains oublient que la neige existe en hiver, les rhumes également, la chanson effrayante des hautes sphères entonne « fais pas ci, fais pas ça, et fais ce que je dis, pas ce que je fais», pendant qu’au Sénat, lors d’un déplacement ce mois de décembre, pour ne citer que ce seul exemple, force fut de constater par nous-mêmes sur place l’absence de toute tenue à col et le contraste d’une bonne chaleur ambiante. Sous ces nuages, un morceau néanmoins de début de ciel dégagé avec notamment l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi constitutionnelle « visant à garantir le droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Car cette année, les crimes féminicides sordides à l’égard de fillettes et de femmes, les violences conjugales sans omettre la succession de révélations de personnalités aux pratiques masculines sexuelles douteuses, nous auront encore glacé le sang, interrogeant d’un “ça s’arrête quand, vraiment?”. Si sexe, pouvoir, argent et consorts mènent depuis longtemps l’Homme, relativisons en prenant un tant soit peu le temps de regarder la situation que vivent nos voisins chinois et aussi d’Iran. Il fait tout de même bon vivre en France. Certes, tout n’est pas parfait; certes, le coeur n’y est guère pour les festivités de fin d’année fade (ne parlons pas des dindes sacrifiées…). Mais la perfection n’est pas humaine, les princes ne se dénichent qu’au rayon biscuits et les princesses sont ennuyeuses. S’il fallait émettre un vœu, choisissons la loi d’une attraction positive. Le prix du papier explose, notre plume en sèche dans cet encrier au trou noir et soudain. Tentant de trouver la bonne solution dans une boîte de chocolats, notre regard croise subrepticement sur une couverture de magazine un petit bonhomme biscuit en pain d’épices, d’ordinaire si innocent, arborant un … slip. Comme quoi, à l’heure des #metoo, tout est possible. Joyeux Noël et make a wish ! L’espoir est toujours permis. L’humour aussi et en guise de voeu, rire est un bon début qui ne coûte pas cher à la Sécurité sociale. À l’année prochaine, donc, chères lectrices et chers lecteurs avec bon pied, bon oeil, joie et bonne humeur.

Émilie Rencien