Voilà un peu plus de cinquante ans, Hara-kiri, l’hebdo bête et méchant du professeur Choron, de Cavanna, et de Defel de ton, maîtres es-dézinguage d’icônes et pourfendeurs avant l’heure du politiquement correct, avait titré « Bal tragique à Colombey, 1 mort » lors du décès du général de Gaulle. De quoi activer une belle censure l’ancienne … En 2021, à quelques mois des présidentielles, le village de Haute-Marne vient de ré-ouvrir le bal.
À la télé, voilà quelques jours, comme pour un carnaval d’automne c’était jour de défilé à Colombey. Sans tambours ni trompettes, sans confettis non plus, le corso était judicieusement fleuri : des gerbes au nom de la famille proche ou un peu plus éloignée. Ont été déposés en quelques heures, devant la tombe du général et de tante Yvonne, des chrysanthèmes éternels et des larmes de crocodiles. Avant que ne s’ouvre le balluche, celui des prétendants, des prétendantes aussi, ils sont venus en cortège, porteurs de compositions dignes des familles Tattaglia, Barzini, Stracci à l’enterrement de Vito Corléone, à la mode LR, juste avant la bagarre hivernale. Elle est venue en individuelle, à la mode Socialiste encartée. Le premier ministre est venu par délégation, comme le veut l’usage gouvernemental. Ils sont donc passés par ici. Ils sont donc passés par là. Ils ne sont pas tous venus certes, parce que c’est pas le tout d’être la fille de … et d’hériter d’un parti, on ne peut pas effacer d’un revers de main tous les moments d’égarements de la génération précédente. Non pas tous parce que, entre ceux qui se réclament du message du 18 juin, ceux dont la vision du képi étoilé est signe de force politique, ceux qui répètent à l’envie « je vous ai compris », ceux qui cherchent encore le moyen de s’accrocher aux manches de l’auguste paletot, ceux de la branche de 14 et ceux de celle de 39, ils n’ont pas trouvé le créneau dans leurs calendriers, ou dans leurs esprits. A l’approche de novembre, ce sont succédées déclarations d’amour envers la figure tutélaire des années 1950 et 1960 et litotes pour atteindre le subconscient de l’électorat des plus âgées des boomers. Nostalgiques de vos vingt ans, de la politique qui allait avec, ces messages sont pour vous n’en doutez pas.
Ils sont légions à vouloir récupérer l’héritage gaullien. Aucun n’est pourtant un porphyrogénète du grand Charles. Certains peuvent faire illusion. D’autre moins. Installé par la méthode Bolloré, même le nouveau Z comme Zebulon s’y est collé. Petit sorcier monté sur ressort, gardien du Manège enchanté et du Bois-Joli (version Wikipédia) il pratique le « Tournicoti-Tournicoton » médiatique version 2021. Zarathoustra 2.0, il ne s’est pas encore déclaré même si, déjà, ses soutiens sont en action par monts et par vaux. Il s’en réclame du général pourtant, comme bien d’autres. Malgré son habituel détournement des événements, il se heurte, cependant à la véracité des faits. Têtus, ils sont. En raison de quelques détails de l’histoire, connus de presque tous, défendre la gouvernance totalitaire du Maréchal Pétain et se déclarer Gaulliste ce n’est pas une option. Quoique, après un ou deux passages dans les émissions culturelles de Cnews, chez Morandini ou chez Pascal Praut, celui qui valide encore aujourd’hui la censure faite voilà un demi-siècle, on peut faire avancer les choses dans les esprits … Surtout si c’est associé à un bon plan com sur les réseaux asociaux de base.
Pour l’heure, le nouveau Zorro défenseur de la veuve et de l’orphelin de la droite de la Droite dans ses bottes, n’a pas encore enfourché Tornado pour surgir hors de la nuit. Il est toujours bloqué à la pointe de son épée littéraire. Bernardo, le videur de la boîte, vient de lui souffler à l’oreille qu’on l’attend encore pour lancer musiciens et danseurs. Promis, juré, ce sera un tango argentin pour commencer et rendre hommage à un autre général !
Fabrice Simoes