La voiture électrique : une utopie incohérente ?


L’incohérence contient sa part d’inexplicable voire de mystère. En effet, n’est-il pas fréquent que des initiatives publiques, des décisions gouvernementales prises de bonne foi soient incompréhensibles car contradictoires avec le discours dominant et les affirmations, souvent péremptoires, des dirigeants d’un pays dont le nôtre.

Aujourd’hui, et ce n’est pas nouveau, nous savons tous que l’avenir de la planète et donc celui de l’espèce humaine est très sérieusement menacé. Avec raison, les médias occidentaux ne cessent, par la voix de savants du monde entier, de nous alerter sur les dangers du réchauffement climatique et de ses conséquences tels que l’expansion du trou de la couche d’ozone, la déforestation, la disparition rapide et, paraît-il, inéluctable, de la faune et de la flore terrestre que l’on nomme « biodiversité », la montée inexorable des mers et océans etc. Une situation que viennent de nous rappeler des scientifiques et des chefs d’État à Glasgow lors de la récente réunion sur le climat nommé « Cop 26 ». Pourtant, et c’est inintelligible, celles et ceux qui ont la responsabilité d’enrayer cette catastrophe planétaire annoncée, s’ils préconisent publiquement des solutions qui aideraient à la retarder et même à l’atténuer à défaut de l’éradiquer puisque les spécialistes de la chose affirment, qu’il serait déjà trop tard pour sauver la terre, continuent d’encourager certaines politiques industrielles et ce, au nom, croient-ils, de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour s’en convaincre, les exemples seraient nombreux à citer, mais il en est un qui s’inscrit dans une tendance générale et qui mobilise, plus que tout autre, les attentions et alimente les discussions : la pollution atmosphérique engendrée par la circulation automobile. Une réalité qu’il serait ridicule de nier. La solution ? La fée électricité ! Elle serait devenue, soudain -enfin, presque – l’avenir de l’Homme. Si l’on se réfère aux discours répétitifs de nos responsables politiques et des décisionnaires de tout poil, la voiture électrique serait donc la panacée de nos maux environnementaux. Pourtant, aujourd’hui, personne n’est en mesure d’affirmer avec certitude que la lutte contre le réchauffement climatique passe, à moyen et long terme, par la motorisation électrique. Malgré le manque de réponse formelle à cette question, les autorités européennes, et de la France en particulier, se sont engouffrées tête baissée et sans discernement dans le tout électrique. Et c’est ainsi que les gouvernements ont enjoint, il y a déjà quelques années, les constructeurs automobiles à investir en ce sens. Sans préjuger des bienfaits ou des méfaits d’une telle volonté politique, il est à noter que, d’une voix commune, haute et forte, des chercheurs de toutes sortes, flanqués de quelques patrons et ingénieurs de grandes marques automobiles, commencent à sensibiliser le grand public sur un péril possible engendré par l’industrialisation de la voiture électrique. Selon eux, elle n’est pas, et loin de là, la panacée universelle aux soucis réels provoqués par les moteurs atmosphériques. D’ailleurs, à quelques-uns d’entre eux, rares il est vrai, d’affirmer que la fabrication et l’usage des véhicules tout électrique pré-annoncent l’un des futurs grands scandales de ce siècle. Des arguments techniques et scientifiques, et pas des moindres, étayent cette théorie. Énumérons quelques réalités démontrées. Passant outre les désagréments passagers comme l’autonomie énergétique de l’automobile électrique qui, sous peu, avec la multiplication de bornes de recharge, disparaîtront bien qu’il n’en soit pas moins vrai que l’on ne sait pas stocker l’électricité. Or, résoudre ce défaut majeur qui interdit aux voitures électriques de parcourir plus de 500 kilomètres au maximum et encore en évitant d’allumer les phares, le chauffage, le dégivrage ou la climatisation, n’est pas pour demain, ni même après-demain…
Depuis peu, l’inquiétude dominante des détracteurs du tout électrique est donc la batterie. Le coût de leur fabrication est vertigineux (une batterie de Renault ZOÉ de 52 KW/h coûte, en moyenne, 8 100 euros). Certes, le prix de cet équipement baissera au fil du temps, mais il faut savoir que sa conception exige et exigera toujours l’emploi de matériaux rares et très polluants. Ainsi, une batterie de voiture électrique contient 16 kilos de nickel, un métal dont l’extraction et le traitement sont compliqués. On le trouve principalement en Nouvelle Calédonie et en Indonésie, et il est présent en faible quantité dans des minerais qu’il faut chercher de plus en plus loin dans les profondeurs de la terre ; pour l’exploiter, il convient de le broyer, de le cribler, de l’hyrocycloner. Une industrie qui génère des montagnes de déchets… qui finissent dans les mers. Ce n’est pas tout ! Pour que les batteries de voitures électriques fonctionnent, il faut aussi y intégrer du lithium (15 kilos), un métal extrait à 70% des hauts plateaux de l’Amérique du Sud et capté sous des lacs salés asséchés. Une technique d’extraction qui a déjà pour répercussion de priver d’eau potable plusieurs populations autochtones. Les quantités de cobalt (présentes aussi dans les batteries, à l’occurrence de 10 kilos dans chacune d’elles) toujours plus demandées par les industriels, exigent – au Congo, par exemple- l’exploitation, dans des mines à ciel ouvert, d’enfants payés, selon le journal financier « Les Échos », 2 dollars la journée. Enfin, peut-on ignorer que le poids de ces batteries est si énorme (un quart, en moyenne de la masse totale d’un véhicule électrique) qu’il conduit les constructeurs automobiles à l’alléger par des carrosseries en aluminium. L’aluminium ? Un métal dont le traitement par la soude produit des détritus hautement nocifs et qui sont, aujourd’hui, jetés dans les mers et océans. Si les militants écologistes semblent, avec une apparente raison, se réjouir qu’un moteur électrique rejette seulement 75 g/km tandis que le « thermique » lâche dans l’atmosphère 250 g/km de gaz à effet de serre, on les entend peu s’inquiéter d’une pollution qui sera, au fil des années, gigantesque. L’incohérence se cache parfois, enfin on veut l’espérer, derrière l’utopie et la bonne foi.

Éric Yung