Notre planète est déboussolée et ses habitants sont à la ramasse. La Covid a fait du mal, mais elle n’est pas la seule cause des modifications de nos modes de vie. La mondialisation, elle aussi, bouscule toutes nos vieilles habitudes. Quant aux valeurs du temps d’avant, elles s’effacent peu à peu. Désormais on ne peux plus picoler qu’avec modération et on change les appellations des AOC comme vient de le faire les instances russes selon Poutine. Vlado vient ainsi de décider unilatéralement que seules les piquettes vinifiées au pays de Tolstoï pouvaient s’étiqueter Champagne. Que le vrai Champagne devienne un simple « vin pétillant », même dans les plaines de l’Oural, renforce une certitude : ça va mal, ça va très mal.
Jamais Lino Ventura et Francis Blanche n’ont prononcé le mot Vodka lors de leur célèbre dégustation dans la cuisine des Tontons flingueurs. On s’est bien questionné pour savoir si « y avait de la pomme » et finalement assuré qu’il y en avait mais pas que. Mais de là à ce que nos bouilleurs de cru encollent des étiquettes version cyrillique au pied d’un alambic, il existe encore une marge. Force est de constater, cependant, que dans cet Occident qui fait du libéralisme son unique ligne de conduite, le commerce fait fi de toutes considérations culturelles ou géographiques. Champagne ou pas, Veuve Cliquot, Moët & Chandon, Dom Pérignon, pour les marques du groupe LVMH, n’ont pas hésité entre éthique et étiquette. C’est vrai aussi qu’une augmentation de 107 % du cours de ses actions en Bourse, entre aujourd’hui et le début de la pandémie, a impliqué de faire des choix stratégiques à Bernard Arnault, le patron du groupe. À 95 milliards de dollars de plus qu’il y a un peu plus d’un an, le plus important n’est pas de savoir si on trinque avec un roteux ou un grand cru, mais avec qui entrechoquer ses verres. Dans ce domaine, nos présumées élites auto-proclamées ont fait leurs choix depuis de nombreux lustres !
L’idéologie libérale est ainsi faite que les États ont décidé de vouer aux gémonies les compétences de la fonction publique et d’en effectuer le transfert vers d’autres cieux. Leurs attributions, leurs travaux, leurs activités sont confiées au secteur privé. Plus efficace et plus moderne paraît-il. Parfois cela se vérifie. Parfois non … Dans le même temps, on empile des niveaux supplémentaires à la pyramide, très souvent sans aucune valeur ajoutée. Le système de la création du besoin est poussé à la limite du raisonnable. On ajoute de l’auto-stimulation intellectuelle, manière plus amène de parler de masturbation intellectuelle. De la branlette quoi ! Les experts sont devenus légion, quasiment de la compétence des réseaux asociaux pour certains. Les cabinets de consultants fleurissent nettement plus vite que des coquelicots dans des champs de blé traités par un produit de chez Monsanto. Ces prestations d’assistanat ont un coût qui dépasse les 7 % des dépenses de l’État (43 millions d’euros, ça en fait un paquet de catégories C payés au Smic). Ça fait cher l’éjaculation, non ? Et ça éclabousse tout à chacun, tout à chacune. Si l’on sait qui pâtit de ces contrats, les gens de rien, les quidams, les passants qui passent, on sait aussi qui se gave. Il suffit de citer Mc Kinsey Boston Consulting group, Cap Gemini, Roland Berger Accenture et on n’est pas loin d’avoir le must de l’onanisme. Si on avait du temps on pourrait aller jusqu’au signalement à la Cour des comptes, tiens. Quand, en plus, les faits restent têtus et donnent tord à ces Sachants en costume-cravatte, spécialistes du briefing, et du débriefing aussi, de l’Apple, du maté, et de l’iphone dernier cri, le rapport qualité-prix n’est pas terrible, terrible. Entre autres sujets brûlants, la crise sanitaire a permis de démontrer que les conseils de ces cabinets privés étaient capables de mettre un beau bazar dans notre système de gestion de la santé. Ce n‘est pas leur capacité de mettre à côté de la plaque qui est en cause mais plutôt leur incapacité à ne pas l’être qui déçoit.
Tant d’incuries additionnées méritent bien une petite coupe. Allez, champagne pour tout le monde …
Fabrice Simoes