« Nous ne lâcherons rien! ». Devant les grilles de la préfecture le 14 avril, les avocats du mammifère à la truffe noire et blanche interpellaient après l’annulation d’un rendez-vous avec François Pesneau sur le sujet à Blois. Un mois plus tard, le représentant de l’État réagit et répond, dévoilant sa position.
Comme en Alsace, les chiffres officiels liés aux dégâts de la population du blaireau ne sont pas toujours bien connus dans notre département. Mais contrairement à notre Loir-et-Cher, la chasse de ce plantigrade est interdite depuis 2003 dans le Bas-Rhin, et même une association, baptisée Groupement d’étude et de protection des mammifères d’Alsace, a mis en place des solutions alternatives (produits répulsifs olfactifs, clapet anti-retour, clôture électrique, etc.) pour chasser le blaireau sans l’écharper. L’animal nocturne, au régime frugal, qui n’est plus officiellement classé parmi les espèces nuisibles, se nourrit de vers de terre, limaces et baies, mais peut causer des dégâts lors de son passage, en fonction du point d’installation de son terrier à proximité, ou non, d’espaces agricoles et viticoles. Dans les années 1980-1990, ils étaient gazés. Et de nos jours, la méthode a évolué dans la cruauté: en 2021, le blaireau est toujours chassé, en étant déterré de son terrier, à force de pinces, puis tué à la dague ou à l’arme à feu, ou donné vif aux chiens. La Convention de Berne, signée par la France, stipule notamment que nulle atteinte ne doit être faite à cet animal lorsqu’est ignoré le nombre d’individus qui la représente. Pourtant, selon la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), 25 000 animaux sont tués en France chaque année via le procédé précité. L’an dernier, le député LR des Alpes-Maritimes, ancien vétérinaire, Loïc Dombreval, et 62 parlementaires français avaient lancé un appel national pour l’abandon des chasses dites « traditionnelles », incluant la vénerie souterraine des renards et des blaireaux, ainsi que le piégeage des oiseaux. Ce qui n’est bien sûr pas du goût des chasseurs, un univers puissant de lobbying. Pot de terre contre pot de fer ?
Discussion possible si et seulement si…
Concrètement l’époque de chasse du blaireau s’étend du 15 septembre au 10 janvier, assortie d’une période complémentaire courant du 15 mai au 15 septembre. Sur ce dossier de biodiversité, le Loir-et-Cher ne demeure pas en reste pour s’exprimer : Catherine Le Troquier, maire de Valaire, a commencé à agiter la sphère rurale à l’automne 2019 en prenant un arrêté interdisant la vénerie sous terre, sur sa commune comptant une centaine d’âmes, pour la période de chasse 2019-2020. L’élue a été convoquée le 23 octobre 2019 au tribunal administratif d’Orléans. Même si la justice ne lui a pas forcément jusqu’ici donné raison, les verrous ne l’ont pas découragé à continuer son combat en 2020, puis 2021. Elle faisait bien évidemment partie des manifestants, réunis autour d’Europe Écologie Les Verts, de l’association Sologne Nature Environnement, de la LPO ou encore du parti Animaliste, devant la préfecture de Blois le 14 avril 2021, dans le but de faire sortir de sa tanière le préfet. Le 5 mai, François Pesneau s’est enfin exprimé puisque nous l’avons questionné. “J’étais prêt à discuter,” confie-t-il devant une tasse de café matinale. “Le système n’est pas simple, entre chasseurs qui parlent de régulation et citoyens qui dénoncent le loisir. Je comprends que cette pratique peut créer une certaine émotion du grand public. Je dois regarder les chiffres de dégâts précis, les arguments de chacun, l’intérêt pour les cultures. Mais la discussion ne peut être possible si mon arrêté est traîné devant le juge; si je me fais menacer sur les réseaux sociaux d’être tué comme le blaireau, comme j’ai pu le lire et constater. On m’écrit d’Alsace et d’ailleurs pour des problèmes soulevés nationalement; je suis préfet du Loir-et-Cher, il faut écrire pour le reste aux ministères ! Localement, je suis prêt à discuter pour l’année prochaine sur la période autorisée, je suis prêt à ouvrir le débat en réunissant autour d’une table, mais avec des gens qui ne m’insultent pas. Les élus impliqués sont respectueux, contrairement aux excités du bocal sur le Web. On doit pouvoir trouver une porte de sortie, dans le calme.” Après cette main tendue sous conditions, la suite révèlera qui est, ou non, le réel blaireau de la cruelle farce.
Émilie Rencien