La relocalisation est au cœur du projet industriel de la France. Pour la région Centre-Val de Loire, 20% de son PIB est industriel. L’enjeu est donc important, et elle veut convaincre les entreprises de rapatrier ses compétences et sa production.
L’idée n’est pas nouvelle. Montebourg, Sarkozy et d’autres avaient appelé à la production française. « Relocaliser ne veut pas dire rapatrier une unité de chine ou d’Asie, assurent les experts, les coûts de production ne le permettent pas. Il s’agit davantage de tirer profit de la valeur humaine, des savoir-faire et de la technologie existante en France, pour faire en sorte d’être plus compétitif sur le territoire, presque exclusif ». C’est donc la valeur ajoutée qui doit faire la différence.
Les secteurs comme l’agroalimentaire, la cosmétique, la pharmacie, particulièrement présents en Centre-Val de Loire, sont concernés, certains au point d’être dits « stratégiques ». Exemple avec David Simonnet, PdG du groupe de chimie fine pharmaceutique Axyntis dans le Loiret. Son entreprise a été retenue dans le cadre d’un appel d’offre du plan de relance, comme « acteur indispensable pour la souveraineté sanitaire ». Il va ainsi rapatrier la production de huit principes actifs engagés dans la lutte contre la Covid. Idem, Bruno Racault, président de All-Circuits, rapatrie la fabrication de pièces de Chine et d’Europe de l’Est.
Quant à Emmanuel Vasseneix, patron de la laiterie de St-Denis de l’Hôtel, il produit un grand nombre d’aliments lactés, yaourts et jus, mais traite près de 100 millions de litres de jus végétaux en Italie. « On va relocaliser la production de soja en région, dit-il, et construire un centre européen de recherche sur la protéine végétale à St-Denis-de-l’Hôtel » (les premiers coups de pelles sont déjà donnés). « Il faut relocaliser la recherche et l’ingénierie, et pas seulement des produits, poursuit Emmanuel Vasseneix. C’est là qu’est l’avenir de l’industrie. L’enjeu est pour nous de maintenir l’agro-alimentaire dans notre pays, avec en clef de voûte la sécurité et la souveraineté alimentaires ».
Choisir de changer et d’investir
« Mais attention, conviennent les chefs d’entreprises, il faudra impérativement revoir certaines fiscalités qui tendent à nous handicaper ». Pour David Simonnet, Axyntis, « 80% des produits pharmaceutiques consommés en France contiennent des principes actifs produits en Asie. La relocalisation ne sera donc durable que si elle permet la réindustrialisation, donc l’innovation et donc la formation ». À la faveur du plan de relance, Axyntis s’est laissé convaincre et investit 6 M€ à Pithiviers.
Emmanuel Vasseneix en est convaincu : « on ne relocalise pas parce qu’on a des aides mais parce que les problématiques économiques sont prégnantes. Je veux simplement être mis dans les mêmes conditions que mes concurrents directs. Les États-Unis annoncent qu’ils vont remonter l’IS (impôt sur les sociétés) à 28%. Qu’on le mette à 28 en France, ce serait déjà très bien ! On attend des politiques qu’ils nous donnent le cap ».
D’autres entreprises, grandes ou petites, mais avec pour point commun d’être convaincues du bienfondé du retour en France, choisissent de nouveaux axes de développement. Le vent de la délocalisation aurait-il tourné ? Sur le continent asiatique, certes le coût de la main d’œuvre est majeur, mais les temps de transport sont de plus en plus longs. S’ajoutent le décalage horaire, une innovation difficile à protéger et des complexités de communication.
Stéphane de Laage