Le dernier prix Roblès a brisé sa ligne de vie à 42 ans et demi.
Sans vouloir abaisser la qualité des ouvrages et des prestations de tous les finalistes du dernier prix littéraire Roblès de Blois, il faut reconnaître que le lauréat, Joseph Ponthus (un pseudo…) avait séduit et surpris les quelques invités autorisés à assister à la proclamation du palmarès à La Halle aux grains de Blois.
Avec une décontraction étudiée de mauvais garçon et une verve toute gouailleuse de titi parisien, la mèche en bataille et le poil de barbe hirsute, les pieds calés sur son fauteuil, il avait déroulé le fil de sa vie de jeune Rémois (Baptiste Cornet) qui, après des études en lettres (Khâgne-Hypokhâgne), avait navigué vers la profession d’éducateur spécialisé. L’amour lui fit quitter son emploi pour rejoindre sa belle en Bretagne où, après avoir flemmardé sur le canapé familial, il se décide à retrouver du travail dans une usine préparant des plats cuisinés à bases de poissons et bulots avant de rejoindre un abattoir où il se coltine des tonnes et des tonnes de barbaque après la poiscaille. Il y réfléchit sur la condition humaine, pense, rumine, et le soir, malgré la fatigue, il couche sur le papier son vécu. Au fil des mots, des phrases, sans aucune ponctuation, sans fioritures. Du brut de décoffrage. Du vécu. Le titre «À la ligne» surprend ses premiers lecteurs et la machine s’emballe. Le prix RTL-Lire, puis le prix Eugène-Dabit du roman populiste, le prix Régine-Desforges et le prix Jean-Amila Meckert (une douzaine en tout!) précèderont le Roblès de Blois. Les médias s’arrachent Ponthus. Il plaît, a de la répartie et n’a pas la langue dans la poche. La classe ouvrière l’applaudit. Les patrons un peu moins et dès la sortie de son livre dédié en hommage à ses compagnons d’abattoir et d‘abattage, il sera licencié, illico presto. Il s’en foutait mais en avait été très affecté. Son livre devrait être inscrit d’office dans tous les programmes de quatrième et/ou de troisième dans les collèges ou lycées comme base de travail pour que les mômes étudient afin de ne pas terminer à la tâche comme il l’a fait.
Parti à 42 ans et demi, d’un cancer, il aura le privilège posthume de rejoindre la quelque trentaine d’écrivains, dont le local Alain-Fournier, qui n’auront commis qu’un grand ouvrage. Quoique, notre confrère La Croix annonçait, récemment, la découverte d’un nouvel opus écrit de sa main.
Salut à toi, Joseph qui, en septembre 2020, essuya pudiquement une larme de joie, face aux coulisses, avant de lancer une accolade farouche, malgré la Covid, vers Christophe Degruelle, président d‘Agglopolys…qui ne manquera pas de lui rendre hommage, comme l’ont fait tous les médias, pour le Roblès 2021 dont l’appel aux œuvres vient d’être lancé. Coïncidence. Point…à la ligne!
Jules Zérizer