Le Tribunal administratif d’Orléans a décidé, ce 15 juillet 2020, de suivre la proposition du Rapporteur public exposée à l’audience du 1er juillet. Par voie de conséquence, l’arrêté du maire de la commune de Valaire, défendue par Me Louis de Redon, interdisant la vénerie sous terre du blaireau, a été annulé. L’édile a deux mois pour faire appel, deux associations se mobilisent en parallèle, et une manifestation est prévue le 13 août. Le blaireau n’a pas dit son dernier mot.
Les chasseurs rient, le blaireau trinque… Le Tribunal orléanais explique sa décision de cette manière : « D’une part, la commune de Valaire invoque l’existence de circonstances locales, tirées de sa situation géographique entre le Val de Loire et le site Natura 2000 de la Sologne, de son fort engagement en faveur de la protection de la biodiversité et du développement durable, matérialisé par plusieurs décisions et par des investissements importants eu égard à sa taille et au budget dont elle dispose, enfin de sa volonté de poursuivre le développement du tourisme vert. Toutefois, de telles circonstances sont sans rapport avec la préservation de l’ordre et de la sécurité publics et ne pouvaient ainsi justifier l’édiction d’une mesure de police. D’autre part, la commune invoque les atteintes à l’ordre public qui résulteraient de la pratique de la vénerie sous terre du blaireau. Elle fait valoir ainsi que la pratique de cette technique de chasse, premièrement, porte atteinte à la dignité humaine dès lors que les chasseurs se livrent à des actes de cruauté sur des animaux doués de sensibilité, deuxièmement, porte atteinte à la salubrité publique eu égard notamment à la pollution du milieu naturel que provoquent les excavations liées au déterrage, troisièmement, porte atteinte à la santé publique en risquant de mettre en contact des animaux domestiques avec des animaux sauvages éventuellement porteurs de tuberculose bovine. Toutefois, il n’est fait état d’aucune circonstance qui, au regard des atteintes à l’ordre et à la sécurité publics ainsi alléguées, serait propre à la commune de Valaire et qui justifierait par suite que son maire intervienne pour édicter une réglementation particulière sur le territoire de cette commune. »
Droits biaisés ?
Catherine Le Troquier, maire sans étiquette de Valaire, ne souhaite pas dire si elle fera appel ou pas, mais son ton indique à lui seul sa détermination sans failles, malgré la déception. Selon son point de vue, « ainsi, a été jugé que la protection de l’Environnement est sans rapport avec l’ordre et la sécurité publique. La chasse à tir et la chasse à courre troublent l’ordre et la sécurité publics mais pas la chasse sous terre. L’enfer sous terre n’occasionne aucun trouble public. Le risque sanitaire ne peut pas être prévenu sur la commune puisque le Tribunal considère qu’aucune circonstance locale ne le justifie. Le cluster en Sologne à quelques km de Valaire, le classement du département en zone 2 de surveillance, les recommandations unanimes de l’ANSES en 2011 et confirmées en 2019 de ne pas pratiquer la vénerie sous terre pour éviter la propagation de zoonose, ne permettent pas au Maire de prendre des mesures de prévention locales. Seuls l’État, le Préfet, peuvent prendre des mesures de protection de l’Environnement, de protection de la santé, d’interdiction de la cruauté. Le Maire n’a aucun pouvoir de police administrative dans ces domaines. On peut rapprocher cette décision de celles relatives aux arrêtés anti-pesticides : les maires n’ont pas le droit de fixer des distances d’épandage des pesticides pour protéger les habitants, les enfants des écoles maternelles, les patients des hôpitaux, les pensionnaires des Ehpad; seul l’État a cette compétence. Au même titre que les lobbies des pesticides, les lobbies du monde cynégétique, de l’élevage et de l’agriculture influencent l’État et les préfets. »
Une requête en annulation déposée dans la foulée
L’édile alerte de surcroît sur la crise sanitaire qu’elle lie au problème. « La pandémie actuelle due au Covid-19, les zoonoses émergentes nécessitent de modifier les interactions entre humains et faune sauvage. Le Droit constitutionnel à l’Environnement et à la Santé, le devoir de précaution s’imposent aux autorités publiques mais les autorités locales n’ont pas la capacité légale d’agir sur le territoire de leur commune. Le tribunal n’a pas non plus retenu la notion d’atteinte à la dignité humaine. Pourtant, les actes de cruauté et de barbarie sont indignes de l’Humanité. Pratiquer la torture et la donner en spectacle ne doit plus être toléré dans notre société. Mais l’histoire ne s’arrêtera pas là : le pouvoir des maires, dans le domaine de la protection locale de la santé publique et de la biodiversité pourrait évoluer rapidement si l’on en croit les propos du nouveau Premier ministre qui précise dans son discours de politique générale : « vouloir donner plus de pouvoir aux collectivités locales notamment dans le domaine de la santé et de la transition écologique ainsi que favoriser l’évolution territoriale vers plus de différenciation, de décentralisation de déconcentration et plus de liberté ». La protection de la biodiversité est l’affaire de tous, les élus doivent montrer l’exemple. Le rapport au Vivant doit évoluer dans l’intérêt de l’Humanité. L’évolution est en cours et se fera inéluctablement. Cohabitons plutôt que de détruire ! » Le Conseil Constitutionnel rappelle que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ». À suivre en tout cas, d’autant plus que les associations Sologne Nature Environnement (SNE) et Perche Nature (PN), également épaulées par Me Louis de Redon, ont déposé cette semaine une requête en annulation auprès du tribunal administratif d’Orléans contre l’arrêté d’autorisation daté du 30 juillet 2020 et signé du préfet de Loir-et-Cher pour une période complémentaire de vénerie sous terre en 2020. La bataille ne fait que commencer : d’ailleurs, en sus, un rassemblement pour défendre encore et encore l’animal est prévu devant les grilles de la préfecture, à Blois, jeudi 13 août, à 15 heures, en présence des principales parties concernées (Mme le maire de Valaire bien sûr, plus élus locaux et régionaux, Parti animaliste, One Voice…), ne se lassant pas dans l’espoir que leur message finisse par être entendu.
É.R.