Pour la première fois, dans le Loir-et-Cher, les professionnels de santé libéraux ont signé un document d’appel aux matériel de protection face au Covid-19. Depuis Blois, le kinésithérapeute Étienne Panchout et l’orthophoniste Hélène Sagne figurent dans les rangs de ce cri d’alarme uni et solidaire.
Une seule voix empreinte de difficulté, de solitude, de détresse. La bouteille de complainte du nouveau coronavirus a été jetée il y a une poignée de jours par les professionnels de santé en libéral du département de Loir-et-Cher que nous avions relayée ici : https://www.lepetitsolognot.fr/lappel-du-mois-de-mai-des-professionnels-de-sante/. Parmi les signataires, en tête, nous y retrouvons deux noms blésois familiers. Le kinésithérapeute Étienne Panchout (au passage, pour celles et ceux qui se souviennent de cette époque lointaine, aussi ex-candidat au scrutin municipal 2020 sur la ville de Blois, ndrl) monte au créneau et pointe d’emblée le chemin entravé. Son cabinet a rouvert lundi 4 mai, en dépit de lacunes matérielles indépendantes des volontés de santé. Pendant que certains élus posent pour la photo ailleurs en mode opération de com’ en omettant parfois l’essentiel… La guerre des masques aura-t-elle lieu? «Les professionnels de santé ont assumé de fermer leurs cabinets, dès les annonces virales. À côté de cela, personne ne nous appelés ; ni département, ni région, ni ville, ni agglomération, ni rien. Nous avons, si, réussi à obtenir quelques visières via le Conseil départemental que nous remercions. Les supermarchés en vendent maintenant ; tant mieux s’ils en ont reçu il y a deux jours, ou autre schéma… C’est la loi du commerce, du plus fort et armé, de l’offre et la demande. Mais puisqu’ils en disposent, s’ils voulaient démontrer leur solidarité et penser à nous en nous octroyant une palette, je leur dirai merci !, confie le précité un brin courroucé derrière le combiné, lundi 4 mai. S’il faut les acquérir via une commande groupée, nous sommes prêts. Car pour le moment, certains semblent se moquer de notre sort. Nous nous sentons seuls. Le coup médiatique est sans doute moins joli ? En kiné, 6 masques par semaine ; en orthophonie et en podologie-pédicure, zéro jusqu’ici, etc. C’est compliqué à gérer. Nous allons protéger nos patients, les plus fragiles notamment, car nous demeurons professionnels. Mais force est de constater que ne sommes pas pour résumer logés à la même enseigne. Or, il faut savoir qu’il y a des gens aux maladies chroniques qui ne se soignent plus, et cela risque de devenir dramatique, et puis, tout ne repose pas que sur le ministère de la santé. Nous savons bien qu’en libéral, nous devons nous débrouiller nous-mêmes côté achats mais tout de même, les forces doivent s’unir et se mobiliser ensemble quand il existe une pénurie. C’est un petit scandale. Nous aimerions que l’aide se coordonne. Je n’ai personnellement pas de facteur de risque, je n’ai pas peur du virus ; je peux toutefois être un vecteur de transmission. Il s’agit de nous protéger pour protéger nos patients. Mais je demeure fâché : on nous parle d’un futur de solidarité ? Le jour d’après ne semble pas prêt d’arriver.. »
L’après à l’arrêt, le scandale confirmé, moult difficultés
Même désarroi chez les orthophonistes. Hélène Sagne, présidente du syndicat départemental du métier, également chef de file en région. Même si une bonne nouvelle, mardi 5 mai, a été délivrée contre toute attente. « Douze masques par orthophoniste et par semaine, selon le ministère de la santé et des solidarités ! Nous pourrons les retirer gratuitement dans les officines, » explicite l’intéressée, un chouïa soulagée au téléphone. «Mieux que rien mais ce n’est pas assez car le masque est sanitairement essentiel. Je confirme ce scandale au niveau des masques. Nous avons sans obligation préfectorale choisi de fermer nos cabinets respectifs par principe de précaution. Et pourtant. Notre tutelle, l’ARS (Agence régionale de santé), nous laisse dans l’absence de réponses ; idem concernant la région. Nous n’avons pas d’information sur une date possible de réouverture. À défaut de, je couds avec une autre couturière ; nous sommes aussi épaulés dans le Blaisois par le CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé) La Salamandre grâce à Véronique Fauvinet, ainsi que par notre URPS (Union régionale des professionnels de santé). Nous disposons oui du télé-soin en urgence fac au confinement mais on se heurte à des difficultés. Le chiffre parle de lui-même : 26% des orthophonistes en télé-consultation. Certains s’en étonnent ? Il convient de noter que beaucoup de ceux-là sont des femmes, avec des enfants, confinés, et il est difficile d »être partout. En outre, le système n’est pas toujours adapté dans le cas de notre profession où il faut tenir compte des expressions du visage, des mouvements à guider, etc. Sans oublier des familles quelquefois non ou mal équipées en nouvelles technologies, en webcam par exemple, etc. Le masque entrave un peu plus également l’exercice ; une visière par orthophoniste et par patient offre davantage de liberté dégagée. Nous avons d’ailleurs demandé au Conseil départemental des visières en plexi-glass qui semblent victimes de leur succès et de rupture de matières premières, alors nous sommes là encore dans l’attente. Certains patients ne nous consultent plus depuis deux mois, par peur parfois, et diverses autres raisons. Certains professionnels, eux-mêmes, appréhendent, tout en arrivant en manque de moyens financiers, malgré des aides, et n’omettons pas le fait que pour les plus petits, les gestes barrières peuvent être compliqués à observer, du fait de rituels dès la salle d’attente et contraintes variées selon la situation individuelle. J’ai par exemple un patient souffrant d’une paralysie faciale qui ne peut plus mâcher suite à cette interruption. Il faudra en plus de nos patients habituels traiter les cas qui ont souffert de Covid-19, qui ne peuvent plus déglutir après une réanimation ; nous manquons d’orthophonistes en soins de suite aussi et ce n’est pas nouveau, cela dure depuis dix ans et j’alerte l’ARS depuis 5 ans, etc. etc. Compliqué. Heureusement, tout n’est pas négatif et certaines solidarités sont là, entre nous, les professionnels; nous nous organisons. Nous faisons de surcroît appel au bénévolat. Alors, que chacun se rassure : nous désinfecterons nos cabinets, nous prévoyons des créneaux adaptés, nous réserverons un jouet et une pâte à modeler par enfant si nécessaire. En bref, nous ne prendrons pas de risques et le souci d’être prêts pour le 11 mai n’en est pas un. L’ARS est sans doute débordée, comme d’autres entités. Mais cela n’excuse pas tout. C’est peut-être sanitairement correct ; par contre, ce n’est pas du tout politiquement correct…» À bon entendeur. Encore une fois, la bouteille à la mer covidique est lancée. Qui l’interceptera à temps ?
Émilie Rencien