À Nançay, l'art se drape de deuil, Gérard Capazza n'est plus

Une mauvaise nouvelle parmi les mauvaises nouvelles, même si celle-ci n’a pas de lien avec le Covid-19. Les obsèques du fondateur de la galerie d’art contemporain Capazza ont lieu ce vendredi 10 avril, dans l’intimité familiale.

Après la disparition en janvier 2020 du coiffeur Jacques Dessange, la Sologne est à nouveau une âme en peine. Gérard Capazza est abruptement disparu mardi 7 avril, sans relation aucune avec la dramatique pandémie de ce printemps mortifère. Dans le Cher, la petite commune de Nançay pleure le grand créateur de la galerie qui arbore son patronyme. Gérard Capazza, qui a poussé son premier cri en 1947 à Vierzon, et son épouse, Sophie Capazza, fins connaisseurs, de surcroît infatigables passionnés, ont en effet imaginé l’endroit, sis dans un écrin de verdure et de culture, il y a 40 ans, afin de faire rayonner l’art au-delà des idées reçues, pour tous et toutes, ouvrant largement ses portes tout comme le champ des possibles artistiques. Les clefs ont depuis 2015 été confiées à leur fille Laura et son mari Denis. Pour la petite histoire, le couple Capazza ouvre une galerie à Méreau, le Grenier de Villâtre, en 1975, puis choisit le village de Nançay et sa fameuse rue des Faubourgs qui abritaient les restes (une dépendance à l’époque quelque peu délabrée) du château communal; un ensemble daté du XVIIe siècle, soit un bâtiment de 2 000 mètres carrés à réagencer et rénover. Un chantier de réfection titanesque qui ne rebute pourtant pas Gérard et Sophie Capazza qui ont sans hésiter retroussé leurs manches, ne comptant ni heures ni labeur. Ainsi, à la force des poignets et des idées, ils auront savamment permis à ce lieu de faire peau neuve. Même davantage, car le site brille aujourd’hui. Il est devenu une référence incontournable en matière d’art contemporain où cohabitent des artistes du monde entier (90 en résidence), aux styles divers et variés, dans les domaines de la peinture, de la sculpture, de la photographie, du verre, de la céramique, de l’estampe et de l’orfèvrerie. Il est vrai que l’endroit est opulent, et le visiteur en prend plein les mirettes, passant d’un univers à l’autre, dans un tourbillon d’émerveillement non feint. Impossible de rester de marbre devant tant de poésie créative, exprimée dans la pierre, sur toile, au pinceau, etc.

Photos mai 2019, (c) Émilie Rencien

Hommage au grain de génie et de folie

Nous nous souviendrons d’une visite VIP, une fois le soleil couché, agrémentée de riches conversations avec Gérard Capazza un verre à la main en passant devant la cheminée à l’entrée, un 18 mai 2019, il y a bientôt un an, à l’occasion d’un dîner de gala auquel nous avions été conviés. Une soirée plus précisément de soutien au festival de rencontres musicales de Chaon, conjointement créé par le maire dudit village, Patrick Morin, et -décidément, le monde est parfois petit et le sort ironique – par Sally Dessange, épouse de Jacques, précité. Nous nous souviendrons de sa joie de vivre, sa bonne humeur, son être entier mué par la passion et le plaisir de partager cette dernière avec autrui. Et également de l' »after » de ce dîner, rassasiant à la fois la faim de l’estomac et la soif de l’esprit, en très petit comité, agréable et ineffaçable moment de temps musical suspendu où Gérard Capazza avait alors sorti son harmonica pour accompagner avec brio les notes de piano agilement égrénées sous les doigts de Patrick Chaon. « Il fallait que nous soyons un peu fous, ma femme et moi, pour nous être lancés dans cette aventure ! » nous avait-il confiés, sans regret et avec bonheur, amusé, entre le plat et le dessert. Or, c’est bien connu :« Il n’y a point de génie sans un grain de folie, » dixit Aristote. Sur cette citation empreinte de sens, la rédaction du Petit Solognot, à laquelle s’associent tous ses correspondants qui ont toujours été chaleureusement accueillis dans le cadre de reportages in situ, tient à adresser ses sincères condoléances à la famille Capazza dans cette épreuve.

Émilie Rencien