En considération de notre dernier billet du mois d’octobre (“pluie, sexe et politique”), évidemment, n’y voyez aucune ambiguïté ni récit torride. Plutôt du badinage et de sages lectures lors de la survenue de la sorgue : sur notre bureau à la rédaction, au même moment, fait du hasard, « Milieu de cordée » (Plon) du député solognot LR Guillaume Peltier, ex-FN (“aujourd’hui, j’assume mon erreur”, p.54), ex-maire de Neung-sur-Beuvron versus « Les filles de Romorantin » (L’Iconoclaste) de Nassira El Moaddem concernant la ville solognote de l’édile ex-PS Jeanny Lorgeoux. Verdict ? Qu’on apprécie, ou non, les auteurs précités (surtout quand il s’agit de politique), la curiosité prime et il s’avère que dès la quatrième de couverture, l’évidence s’impose alors que de prime abord, rien ne laisse présager ce lien livresque. Deux écrits pourtant donc avec une poignée de points communs concernant des destins imaginés grands et réalisés à la force de besognes éclairées. « Je suis l’un des vôtres », titre Guillaume Peltier dès le prologue, page 11. Une maxime qui pourrait également résumer le périple mélancolique en Val de Loire, à Romorantin, de la journaliste El Moaddem qui y renoue avec des amis d’enfance dont Caroline, une ouvrière. De chaque côté, un zeste d’envolées lyriques, saupoudré parfois d’auto-centrage, pour toucher dans (toutes) les chaumières (“petit appartement près de la porte de Vanves”; en Sologne,“pas de RER, pas de métro, pas même de bus, (…) prendre son vélo, marcher (…) échappées rares”), au gré de paragraphes mêlés de véracités et d’emphases. Chez Guillaume Peltier qui se rêverait bien futur président de la République en sortant sa baguette magique, neuf idées “de révolution” (“du travail, économique, démocratique, territoriale, générationelle, migratoire, régalienne, scolaire,” annexe pp.283-286,) – couchées sur le papier pendant 9 mois, “chaque soir, de minuit à 2h du matin,” nous a-t-il précisé lors de l’inauguration d’une permanence de municipales 2020 le 14 novembre en vallée du Cher – bigrement argumentées pour redresser la France, pas toutes insensées – rythmées par un air ritournelle de la Fête de la violette en Sologne que nous connaissons par coeur pour avoir assisté à toutes les éditions, dans la veine « travail, travailleurs, travaillons », par son admiration pour Saint-Thomas d’Aquin, Nicolas Sarkozy et Patrice Martin-Lalande, entre des passages très personnels et intimes, longuets (“l’absence du père, le courage d’une mère,” p.38) – et par effet de ricochet, pour redorer le blason d’une droite terriblement abîmée (c’est bienheureux de le reconnaître, enfin), à réconcilier selon l’intéressé (un mot en effet martelé par le député), et même “un parti de l’ordre à recréer” (p.246; pareillement, ordre, juste, termes fétiches, répétitifs). Chez Nassira El Moaddem, le constat de la sinistrose d’une ville de province où elle aura vécu en un âge plus juvénile. « Romo, c’est mort », condense bien le propos de cette trentenaire. Un grand écart aux deux endroits : la journaliste – parfois estampillée France Insoumise par les commentateurs; pas si abrupte dans ses propos envers la municipalité en place d’après nous, juste réaliste – passe des portes closes de l’usine automobile Matra aux ronds-points des Gilets jaunes. Lorsque le député théorise, des citations enflammées de Cyrano de Bergerac aux paroles de chansons de variété des Trois Cafés Gourmands ! Chacun dans leur style (étayé pour le premier, lapidaire pour la seconde), les deux ouvrages, pittoresques, paraissent en prime en période de campagne électorale en amont des élections municipales 2020, également dans l’ère de l’opposition pédante capitale d’en haut et provinces d’en bas. L’opportune période pour le duo, afin d’établir l’inventaire en somme et obliger l’ouverture des écoutilles. En résumé, injustices criantes et ascenseur social victime de bugs (“la sociologie dit d’un parcours comme le mien qu’il est d’une ascension sociale, d’un parcours comme le sien qu’il relève du déclassement”, Nassira El Moaddem, p.47) Ou la théorie de l’escalade contrecarrée sur fond de France « des classes moyennes » et « des invisibles», dans l’espoir d’un « monde meilleur ». Soit une mixture de Maupassant et de Zola contemporanisés, en calque. Mais derrière notre esprit critique, en guise d’épilogue, nous retiendrons la traduction du tourment véridiquement palpable d’une société moderne à la dérive, empreinte d’un passé, qu’il soit politique ou citoyen, brûlé par les deux bouts. Et, n’en déplaise, celles et ceux qui « vivent comme des gueux », à Romorantin et ailleurs, pour paraphraser le titre de nos confrères du Parisien dans le cadre d’un article paru dans leurs colonnes en février 2019, ne s’en sortent pas si mal; la preuve, ils rédigent même des livres qui sont de surcroît publiés ! Et ces deux-là exposés se lisent, même si le second prosaïque se feuillette peut-être plus aisément et rapidement que le premier politisé. Cela, au passage, nous remet en mémoire une fable de Jean de la Fontaine (pas « le laboureur et ses enfants » comme aime à la seriner le député Peltier dans son livre), le singe et le léopard » : « Le Singe avait raison; ce n’est pas sur l’habit que la diversité me plaît, c’est dans l’esprit. L’une fournit toujours des choses agréables; l’autre en moins d’un moment lasse les regardants. ». Encore une fois, peu importe l’affection portée à ces personnalités qui ont tenu la plume chez Plon et chez l’Iconoclaste, la pertinence de ces deux livres est de faire sens pour celles et ceux qui suffoquent encore, toujours coincés dans ces no man’s lands étriqués où se nichent des talents qui ne demandent qu’à s’épanouir. Épanouissement trop souvent entravé par une vision pyramidale qui spolie et enferme dans de stupides cases; ce sentiment d’emprisonnement et d’étouffement hélas parfois vécu, connu…. Enflé par cette récente guerre des tranchées entre sommet de l’État et territoires en abysses. Aussi, si ce pitch condensé a suffisamment piqué votre appétit lettré – et en sus, c’est le moment de commencer à songer à la fin de l’année – vous pouvez inclure ces bouquins dans votre liste de présents au père Noël missionné pour les déposer au pied du sapin illuminé, le 25 décembre. Ah zut, lui non plus, n’existe pas. Encore le songe d’une nuit… emplie de licornes ? Le terme, en anglais, unicorn, désigne pourtant une start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars, alors des châteaux britanniques en Espagne comme ça ! Mais surtout, pour la vie et pas seulement l’histoire d’une nuit, selon notre leitmotiv favori, en dépit des obstacles, “viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles » (Oscar Wilde). Peu importe votre position sur la cordée en tant que “fille / gars” de contrée.
Émilie Rencien