Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires. Deux ministres, pas moins, étaient présents lors du 89e congrès des Départements de France réuni dans la capitale du Berry. Tous ont eu à composer avec une assemblée frondeuse.
Au Palais d’Auron, à Bourges, le 89e congrès des départements de France aura été synonyme de grogne visible des représentants des départements. Refus d’être asphyxié financièrement et de mise sous tutelle de l’État des budgets départementaux, volonté de revoir les nouveaux actes de décentralisation ou de la suppression de la taxe d’habitation, entre autres, ont marqué les débats. À l’issue des expressions politiques d’André Viola, secrétaire général de l’Assemblée des Départements de France (ADP), et de François Sauvadet, représentant l’Association des Maires de France et des Présidents d’intercommunalités, qui avaient insisté sur l’absence de l’État face à ses responsabilités et sur la situation d’incompréhension de la part des départements, c’est Dominique Bussereau, ancien ministre, et président de l’assemblée qui a résumé la situation. Face aux ministres présents, notamment Jacqueline Gourault ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, il a expliqué que “ Ce que nous vous demandons, c’est une capacité d’agir, une liberté locale, nous ne voulons pas être des sous traitants de l’État; nous sommes pour une main tendue, un vrai dialogue mais pas de décentralisation placebo…” La suppression de la taxe d’habitation, et la perte du foncier bâti, deux éléments clefs dont déclinent bien des questions et laissent des inquiétudes en suspens. Prégnant lors des trois jours de congrès, le sentiment était quasi généralisé de départements devenus des sous-traitants de l’État, un retour à une tutelle de l’État pourtant supprimée en 1982. Fiscalité, finances, transferts de charges non compensées, ou si peu, plafonnement des dépenses (1,2%) et recettes des départements qui sont modifiées étaient dans tous les esprits. Les élus départementaux ont voulu montrer qu’ils n’étaient pas locaux contre un nouvel acte de décentralisation mais ils le souhaitent accompagné des moyens nécessaires pour mener à bien les compétences induites et leurs politiques publiques au service des territoires.
Jacqueline Gourault créée le remous
Si le discours de Jean-Michel Blanquer était d’une indigence notable, Jacqueline Gourault prenait, pour conclure, le parti dur franc jeu: “ Je vais aborder sans détour les questions financières et la réforme de la fiscalité locale qui concentre aujourd’hui l’essentiel de notre attention…” et de renvoyer soucis et problèmes vers ses prédécesseurs et assuré que “ la dotation Globale de Fonctionnement (DGF) est stable depuis 2017 et sera reconduite en 2020. Cela représente tout de même 8 milliards par an…” Elle entonnait le chant de la lutte contre la pauvreté, de la MNA (aides aux mineurs non accompagnés) et du fichier national AEM (appui à l’évaluation des minorités). Des refrains que les trois-quart des élus, toutes tendances confondues, n’ont pas entendu … Ils avaient quitté la salle pour lancer dans l’air berruyer une symbolique Marseillaise de résistance. Une signe que si le dialogue n’est pas rompu, même il est sérieusement endommagé et le message incompris. “Ce n’est pas être contre l’État que de dire Non, non à l’asphyxie financière des départements, face à un gouvernement qui nous mène dans le mur…”
Jacques Feuillet
Entretien avec
La capitale du Berry recevait le 89e congrès des Départements de France et il n’y a pas eu de “Printemps à Bourges” pour André Viola. “Pas de Printemps à Bourges est une expression tout à fait symbolique qui démontre la profondeur du malaise social et du déficit démocratique existant. Le gouvernement reste aveugle aux réalités que les départements affrontent au quotidien, lui qui prétendait avoir tiré les enseignements d’un mouvement social sans précédent et de cet indispensable besoin de proximité” n’a pas manqué d’expliquer le secrétaire général de l’Assemblée des Départements de France par ailleurs convaincu par la décentralisation : ”Nous sommes même preneurs, encore plus aujourd’hui qu’hier, même si nous sommes dans la mondialisation. C’est justement parce que nous sommes dans cette mondialisation débridée que de plus en plus de choses se jouent à l’échelon local”. Et d’estimer que “le nœud du problème est dans cette attitude du gouvernement qui nous vit comme des empêcheurs de tourner en rond. Nous nous considérons comme porteurs de politiques publiques au même titre que l’État. Ce n’est pas parce que nous sommes, nous à gauche, contre la politique gouvernementale, que nous sommes contre l’État. Nous avons au contraire besoin de lui sur beaucoup de politiques majeures, importantes et régaliennes. »
J.F.