L’ultime roman de Didier Callot Les Voyageurs du vent


Vous avez sans doute vu sa longue silhouette coiffée d’un large chapeau noir lors des divers salons du livre de la région avec ses 5 romans parus en 5 ans, il les faisait tous les salons! Diantre, il ne chômait l’artiste, je peux même dire 6 romans parus en 5 ans, car avant de mourir des poumons et du cœur, siège de la sensibilité extrême, alors qu’il ne pouvait même plus traverser la rue pour aller chercher son courrier, il écrivait enchainé à son ordinateur, la suite de Pachacuti, ce terrible roman sur un après-guerre nucléaire qu’il a intitulé Le Cinquième monde, il a mis un point final fin janvier avant d’être transporté à l’hôpital en février pour en sortir les pieds par devant début mars. Il a voulu nous laisser un message d’espoir, ses héros qui ont bravé les dangers de l’irradiation sont revenus pour construire un cinquième monde où la solidarité entre humains et l’harmonie avec la nature sont retrouvées, toute l’idéologie du New Age à laquelle il s’accrochait farouchement.

Oui, ce qui animait Didier Callot, c’était avant tout l’espoir d’un monde meilleur, l’amour de l’Autre, des autres, l’amour des handicapés mentaux, des handicapés de la vie, mais aussi l’amour de la passion amoureuse, l’amour du spectacle et du théâtre, de la musique et du voyage. Une vie bien remplie malgré la maladie qui l’a entravée toute sa vie, car après avoir consacré toute sa vie professionnelle dans le médico-social dans le médico-social (IMP, CAM et CAT de Veaugues) Didier Callot alias Dag était un véritable artiste qui a touché à tout, « mon grand frère», de par sa taille et son charisme, que j’adorais et admirais pour son panache, sa verve et son humour, mais aussi pour sa grande sincérité et sa belle sensibilité à fleur de peau qui ressemblait à la mienne car ce cadet d’une famille paysanne de trois enfants en Champagne Berrichonne, gorgé d’amour maternel, se souvenait d’avoir été dans sa première enfance, un gros bébé joufflu  «  aussi dolent » que moi, sa grande sœur, son ainée de 4 ans était « hypertonique » (écrivait-il lors de ses 50 ans ) A 14 ans, il était déjà grand et beau, très tôt son charme d’adolescent romantique a pris le pas sur l’hésitant, et comme il réussissait bien à l’école, il s’est enhardi et n’a plus eu peur de rien. En pleine préadolescence, je l’ai fait tomber avec moi, qui venais de créer le Groupe théâtrale de Levet, dans la marmite Théâtre. Jusqu’à son dernier souffle, il sera sur les planches, son nom de scène, DAG, surnom dont je l’avais affublé du temps où enfant, il avait peur de tout et qu’il était distrait et gauche comme Dagobert qui avait mis sa culotte à l’envers… Enfin, il s’est fortifié aussi sur les pistes de courses de motos, il a su nous prouver qu’il n’avait plus peur de rien, quand grimpé sur des bolides, ses fameuses motos de course, il a fréquenté les circuits de Magnicourt, ma mère et moi, nous frémissions de le voir revenir avec des vestes en peau de lapin râpées par ses nombreux gadins. Un jour, la musique s’empara de lui et le fit taper sur une batterie à longueur de journée, puis il se prit à chanter et à écrire des chansons et participa à la création du Théâtre de la Chopine, une troupe de café-théâtre qu’il a fréquentée et animée avec passion pendant plus de 40 ans, il y fut acteur, créateur de sketchs et de chansons même metteur en scène. Il a tout vécu, de la joie d’aimer faire la fête en épuisant tous les rires et toutes les fraternités jusqu’au tragique de la vie qui s’est décliné sous toutes ses formes, de la maladie, de l’angoisse de la souffrance, à la mort. Dans les années 74/75, il a rencontré sa femme, dont il est tombé éperdument amoureux, ils se sont mariés et eurent trois enfants, le dernier, un enfant mâle, Mehdi, le portrait de Dionisio dans sa saga littéraire de la Gitane. Dans les années 1980, nous nous sommes magnifiquement retrouvés tous les deux, vivant en Belgique, j’animais un centre culturel et nous avons créé, organisé et animé des rencontres franco-belges, entre la Belgique et la France, le Namurois et le Sancerrois, des moments d’intense fraternité où nous avons bâtis à notre manière l’Europe pendant quinze ans. Ceux qui ont vécu ces rencontres en gardent un souvenir impérissable. Enfin, en 2010, le malheur s’est abattu sur lui, après avoir perdu en 2005 sa mère qu’il chérissait, il perdait à la fois sa femme décédée d’un cancer et son emploi.

En 2013, la lumière revint après son deuil, j’ai eu la bonne idée de lui faire rencontrer mon éditeur Christophe Matho lors d’une de mes journées littéraires consacrées à François Barberousse qui lui proposa d’écrire des nouvelles qui allaient se transformer en romans.Un fleuve de romans va SOURDRE qui vont décliner la passion amoureuse, la passion du spectacle et la passion du voyage. Ce fut comme la bonde d’un étang qui lâchée, déversait son trop plein, là il s’agissait d’un trop plein de sentiments, de pleurs, de remords, de joies, de bonheurs d’avant, contenu dans l’épreuve de la tristesse, de la perte de l’être cher et des siens, de la mort inexorable qui va pouvoir s’écouler.
En 2015, il publie LA GITANE chez CPE en hommage à Claudine, son épouse passionnée par les Gitans et qui, en tant que travailleuse sociale était adorée par les gens du voyage. L’histoire n’est pas banale, un couple d’amoureux, que tout sépare dans une période terrible, celle de l’horreur à l’état pur LA GUERRE DE 14/18 … un gadjo et une gitane, leur amour n’a aucune chance de pouvoir survivre face au fossé qui les sépare, on a jamais vu un sédentaire vivre avec une nomade mais on retrouve le téméraire Didier Callot, qui nous décrit, Denis abandonnant sa famille et sa terre du Berry pour retrouver sa gitane Carmen fuyant vers le sud, vers les Saintes-Maries de la mer… Quand ils finissent par se retrouver, la guerre de 14 les sépare à nouveau et le héros Denis Chapot tombe au front, il est porté disparu. Est-il mort ? Ses lecteurs ne veulent pas y croire ! Comme ce roman reçoit un beau succès en Berry et ailleurs, il reçoit le prix des lecteurs d’un club de lecteurs, ce qui est extraordinaire d’ailleurs c’est que beaucoup de gens qui ne lisent jamais, se mettent à se passionner pour cette histoire d’amour impossible. Son « jeune public  de lecteurs » l’encourage à poursuivre sa saga. Mais il a déjà un second roman sous le coude qui est déjà prêt ! En 2016 parait L’ERMITE de LOIRE Encore une histoire d’amour impossible, il la situe pendant la seconde guerre mondiale entre un jeune Allemand interprète à la Kommantatur de Cosne et une jeune Française institutrice française sur une île de la Loire. Didier se sert d’une histoire vraie racontée par Robert Grillou, auteur de C’était hier en Sancerrois, qui se souvient d’avoir rencontré un Allemand s’étant réfugié sur une île de la Loire après la guerre.

En 2017, parait SON 3ème roman Le BOHEMIEN AUX YEUX CLAIRS , la suite tant attendue de la Gitane, Denis laissé pour disparu en 1914 , a réussi à se retrouver prisonnier en Allemagne d’où il va finir par s’évader en passant par la Suisse, à nouveau un véritable roman d’aventures rocambolesques, il suit un petit cirque qui va lui permettre d’éviter de se retrouver en prison pour désertion car la guerre de 14/18 est longue et n’est pas terminée… L’aventure de ces deux héros qui se cherchent et se croisent sans se retrouver est le moteur de ce 3 ème roman. Enfin l’image finale des retrouvailles au bord de la mer est d’une grande beauté, enfin sa chère Carmen et son fils Dionisio sont dans ses bras mais il faut fuir encore cette terrible et longue guerre insatiable de chair fraîche. Sait-il Didier, à ce moment-là qu’il va devoir écrire la suite, le dernier tome de la trilogie ? Oui, je pense qu’il a compris qu’il a suscité chez ses lecteurs un grand intérêt pour sa belle histoire originale et si romanesque.
En 2018, alors qu’on attendait la suite du Bohémien aux yeux clairs, arrive PACHACUTI, un nouveau genre, un roman d’anticipation, encore un grand roman d’amour qui plonge le lecteur en une période terrible, une sorte d’apocalypse nucléaire. Pachacuti en quechua péruvien veut dire chaos, fin du monde.
En MAI 2019, parait son roman posthume LES VOYAGEURS DU VENT, le troisième tome de sa saga, de sa trilogie. Et c’est pourquoi, je suis là pour vous en parler puisqu’il n’est plus là pour le faire.

Les thèmes de l’amour, du voyage, du beau pays d’Espagne, des chevaux est développé amplement. En pleine guerre de 14/18, la petite cohorte se déplace sur les routes catalanes puis andalouses. On se laisse aller à ce bonheur tout simple de ces gitans tolérants et qui s’aiment tant. Hélas, le bonheur est un bien précieux et toujours fragile.
Denis qui retrouve son ancienne partenaire du petit cirque Graziella qui l’avait sauvé lors de sa fuite d’Allemagne, et il se laisse griser à nouveau par l’ambiance des exploits au cirque et par la passion dévorante de cette jeune femme envoutante. Reviendra-t-il vers Carmen rongée par la jalousie ? Va-t-il comprendre qu’il faut faire des choix difficiles dans la vie ? L’attrait de la performance dans le spectacle du cirque ou conserver l’amour de celle qui s’est donnée totalement à lui ??? Je ne vous en dirai pas plus…La suite est à découvrir dans cet ultime roman de Didier Callot dont la voix s’est tue pour toujours mais qui grâce à son œuvre résonnera encore longtemps en nous. Merci Christophe Matho de l’avoir publié !

Par Marie du Berry,
sa sœur