Entretien avec Pierre Marol, président de la CCI régionale du Centre Val de Loire, élu en juin 2019 à la suite d’Antoine Bonneville. Pierre Marol dirige par ailleurs l’entreprise ALSTEF Automation à Boigny sur Bionne.
LPS : À quoi sert une CCI ?
Pierre Marol : C’est un établissement public dont le rôle est d’accompagner le développement économique local, dans l’industrie, les services et le commerce. Accompagnement pour la création, le développement et la transmission des entreprises. Les formalités de création se sont simplifiées, la digitalisation est passée par là. L’idée est désormais de former, accompagner et aider les jeunes et les nouveaux entrepreneurs.
LPS : Que trouvent les créateurs dans leurs CCI ?
P.M : Quand on débute, on a besoin de confronter ses idées, d’avoir en quelque sorte un miroir. La CCI met en relation et organise des sessions pour cela.
Idem pour le développement, et même l’accompagnement à l’international par l’intermédiaire de Team, France Export (organisme d’Etat), des primo-exportateurs souvent. Il faut les sensibiliser aux difficultés potentielles et opérer un échange de bonnes pratiques, aider à la constitution de dossiers d’aide pour leur financement. La CCI est aussi là pour identifier les entreprises qui ont la capacité à être exportatrices. Il faut pour cela une très bonne connaissance du réseau local.
LPS : Vous n’intervenez pas seul sur le champ du développement économique ?
P.M : Non bien sûr, c’est le champ de compétence de la Région, et de son agence Dev’Up. Nous intervenons en complémentarité, grâce à l’une des valeurs ajoutées de la CCI, son réseau. Les chambres ont aussi un rôle important d’aménageur du territoire. Citévolia en est l’exemple. La CCI du Loiret montre le chemin pour l’implantation des entreprises qui souhaitent s’installer dans un espace dédié.
Ajoutons dans les grands sujets qui préoccupent la CCI régionale et les CCI en général, la transition écologique et le numérique, auxquels sont confrontées les entreprises, et pour lesquels nous les aidons dans leur volonté d’avancer.
LPS : De la formation aussi ?
P.M : Oui, avec CCI Campus qui regroupe toute l’offre de formation des chambres de commerce. Formation initiale d’ingénieurs dans notre école de Châteauroux et à l’INSA Val de Loire, qui regroupe Blois et Bourges. Il y a aussi une offre de formation continue, et l’apprentissage au travers des CFA. Même si les CCI ne collectent plus la taxe d’apprentissage, elles gardent un rôle important dans la formation.
LPS : La CCI est intégrée à Dev’up, l’agence de développement économique de la Région Centre…
P.M : Pas intégrée au sens propre du mot, nous avons chacune notre gouvernance et nos financements, nous sommes deux institutions indépendantes mais nous travaillons en parfaite collaboration et complémentarité, jamais en concurrence.
LPS : Faire beaucoup plus avec beaucoup moins ?
P.M. : Les CCI territoriales et régionales doivent se réorganiser, pour plus d’efficience. Autrement dit, en dépensant moins et en optimisant malgré tous les services.
LPS : Comment font-elles ?
P.M : Le Gouvernement met en effet une pression forte pour que nous réduisions nos budgets. La TFC, Taxe pour frais de chambres, aura été divisée par quatre en dix ans (NDLR, 42M€ en 2012, 10M€ en 2022. Elle est actuellement de l’ordre de 20M€, perçue par la Région et répartie dans les CCI départementales). Dont acte. On ne peut que s’adapter, à nous de faire mieux avec moins. Notamment en développant des outils numériques. Le challenge est donc de baisser les coûts en mutualisant les services, standardisant certains processus, tout en conservant les liens dans les territoires.
LPS : Vous garderez toutes les antennes départementales ?
P.M : Oui, plus des représentations locales parfois, comme dans le Loiret. Il arrive que dans certaines régions, ces antennes locales aient été fusionnées dans les CCI régionales. Ce n’est pas notre choix en Centre- Val de Loire. L’État avait ouvert le champ des possibles, nous en avons profité en mettant en place une organisation « matricielle ». Cela veut dire par exemple qu’au lieu d’avoir un responsable du développement numérique par département, nous en avons un pour la Région, qui a des actions dans les six territoires. On a ainsi créé huit directions transversales. On partage les bonnes pratiques et on uniformise les process en tenant compte des points forts et points faibles voire des zones d’excellence de chaque territoire en matière de formation, de tourisme ou d’industrie…
J’ajoute que les régions ayant la charge du développement économique, les CCI régionales ne sont que plus légitimes. Elles sont l’interlocuteur naturel. La CCI régionale est une sorte de holding qui dispense des services à ses antennes territoriales.
LPS : C’est un changement d’état d’esprit des CCI ?
P.M : Oui, nous le faisons en développant des ressources autonomes, indépendamment de la TFC. Jusqu’à présent nos services étaient gratuits ou presque pour nos entreprises ressortissantes. Ce ne sera plus le cas. La CCI répond désormais à des appels d’offre publics, récemment encore pour numériser les commerces, ou pour de la formation avec Pôle emploi. Nos agents sont faits pour cela sur le terrain.
Un exemple, dans la cadre du « grand carénage » lancé par EDF pour la mise à niveau de ses centrales nucléaires, les CCI aident à augmenter la part des entreprises de la région qui vont intervenir dans ces chantiers de longue haleine. C’est une fois encore la force des CCI qui connait ses entreprises, qui a les contacts.
La formation sera aussi payante, et bien sûr l’aménagement du territoire.
Et tout cela pour que les CCI soient financièrement autonomes dans ses actions et que l’argent public soit bien utilisé et que les opérations soient bénéficiaires.
LPS : Quelle est votre projet majeur pour les années à venir ?
P.M : Il y a 360 personnes qui travaillent dans les six CCI Territoriales et régionale, pour accompagner sur le terrain, les entreprises ressortissantes. Et je rappelle qu’une entreprise de service, de commerce ou d’industrie, n’a pas besoin de s’inscrire à la CCI. Elle est d’office ressortissante de la chambre consulaire, et a la possibilité de solliciter les services.
Il faut que la transformation de notre modèle se fasse dans les meilleures conditions dans les six territoires. Je veux réussir le challenge de garder une présence forte et efficace sur l’ensemble de la Région, tout en diminuant nos coûts.
Entretien : Stéphane de Laage