Ce mois de juillet, la France étouffe, suffoque, manque d’air et d’eau. Le magazine la France Pittoresque rappelle que « l’été 1911 (fut) marqué par une redoutable sécheresse accompagnée de températures anormalement élevées : qualifiée de canicule sans que l’on crie encore au réchauffement climatique, (…) à l’origine de la mort de 40 000 personnes après avoir sévi quelque 70 jours, du 5 juillet au 13 septembre». Si l’on cédait à la boutade aisée celle-ci avancerait qu’il convient de faire revenir François Hollande au pouvoir pour réfréner le brûlant brûlot. Trêve de plaisanterie, justement, la véritable surchauffe se trouve actuellement sous les ors de la République. Cet été, un autre François a (de) Rugy, habillé pour l’hiver et même pour toutes les saisons, mais grognant en « homme blanchi », après les affaires de gros sous et de dîners aux crustacés vilipendés par le site d’informations indépendant d’Edwy Plenel. Cette cabale estivale amène à se questionner à nouveau sur la pratique du journalisme dont l’une des règles majeures est la suivante, d’après la maxime signée Beaumarchais : «Le commentaire est libre, mais les faits sont sacrés ». Nonobstant le fait que, désormais, l’inverse est également sans doute vrai et davantage affirmé. Information et communication, information et diffamation, information et connivence; des couples infernaux flirtent régulièrement dangereusement. Peut-être que toutes les vérités ne sont pas toutes bonnes à dire, toutefois préférables à l’insincère langue de bois. Quoiqu’on puisse en penser, même outrancièrement, Mediapart « en a » suffisamment pour jeter les pavés dans la mare d’oies qui ne sont pas plus blanches sur cette rive estampillée «tous-pourris» que sur cette autre affublée de bien-pensance. Des dossiers, il est possible d’en déterrer partout; à moins d’être un pieux, et même là, se terrent des destructeurs sans morale … Alors, vraiment, «journalisme de démolition » dixit le ministre incriminé versus «journalisme de construction» selon le journal harangué ? Ou simple effet miroir car « que celui qui n’a jamais fauté jette la première pierre »… Il y a certes peccadille et méfait. Mais une énième fois, impossible de ne pas s’interroger sur nous-mêmes. Nous l’avions déjà écrit dans ces colonnes en décembre 2017 lors du baptême de Yuan Meng, premier bébé panda star du zoo-parc de Beauval, à Saint-Aignan-sur-Cher, en compagnie de sa tout aussi célèbre marraine, Brigitte Macron. Ce lundi-là, numéro 4 sur le calendrier du dernier mois de cette année-ci, pas moins de 105 accréditations presse délivrées, soit autant d’objectifs en pagaille et d’inconvenances en puissance. Un mur de journalistes nationaux et internationaux, le nez collé frénétiquement contre la vitre pour capturer la même image, des bousculades sur l’estrade en face de la tribune présidentielle où les caméras éjectaient sans vergogne la presse au stylo qui se prenait au passage de charmants coups de genoux dans le dos… En retrait, de loin, c’était effrayant. Effarant. D’ailleurs, face à cet emballement en bande médiatiquement organisée, nous avons peut-être manqué que ce cher pandi-panda s’avère lui également nourri au homard de bambou ? Mieux vaut gausser.
Aussi, comment ne pas trouver la profession uniformément peu ou plus assez pugnace quand elle filme ou consigne sur carnet, sans broncher ni forcément sonder, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, qui serine à Ouchamps sa com’ qui n’est pas nouvelle sous le soleil. «C’était intéressant cette annonce sur les retenues d’eau, » aura remarqué un confrère in situ. Oui, sauf que déjà lue en long, en large et en travers, la veille dans la presse nationale en ligne, argh, ça y était presque… Après quoi finalement courent les journalistes français, si ce n’est plus du scoop ni de l’inédit, seulement une resucée, sans réfléchir plus loin que le bout du clavier lassé par la précarité inhérente au métier ? Le prix Albert-Londres semble lointain. Tous et toutes agglutinés, sans prendre de champ, s’empêchant parfois mutuellement de travailler, pour, les pieds une fois sur la ligne d’arrivée, avec quelques coups de perche dans l’œil, sortir une pacotille de news périmées dans l’instant. “Ne rêvez pas ! Sinon, partez. Gratte-papier, en presse locale, c’est ce à quoi vous vous destinez,” La voix rudoyante du professeur Gilles Feyel, en histoire des médias à Paris juste après les attentats du 11-Septembre 2001, résonne encore dans notre esprit. Aux pisse-copie de 2019, Didier Guillaume aura, le 22 juillet, lancé, ses chaussures raffinées foulant la paille du Loir-et-Cher, un pertinent « Reculez ! Je ne vois que des caméras au lieu des vaches de cette ferme ! » Fichtre, pour une fois, difficile de ne pas donner raison. Les ovins, c’est mignon, à l’instar de ceux d’Agglopolys présents dans ces pages, suppléant les engins mécaniques vombrissants, mais les moutons humains, non merci, naturellement pas notre style de média ”à part” … En congés cet été, prenons le recul de la réflexion professionnelle. Mais point trop n’en faut car bien que, selon la légende populaire, « le travail, c’est la santé », il est vain de vouloir changer le monde en trois semaines; place par conséquent à une détente bien méritée. Exit Facebook, Twitter, Instagram, Skype, WhatsApp, Snapchat, Pinterest, Shazam, théories du complot, Gilets jaunes, diktat de l’audience, course à l’échalote, soupe de marasmes, et autres toiles réellement ou virtuellement prises de tête. Nous éviterons aussi de trop songer à la possible ratification du CETA, comprenez “Comprehensive Economic and Trade Agreement”, accord économique et commercial global entre l’Union Européenne et le Canada, sur fond de farines animales, bovins aux antibiotiques et autres joyeusetés affligeantes de bêtise des temps modernes. Allez, “sea, sex and sun”, comme le suggère la formule consacrée, et aussi, bonnes vacances à notre fidèle lectorat. Sortez couverts et protégez votre capital santé sans trop vous exposer sur la plage ensoleillée, rédigez des missives postales (non, ce n’est pas suranné) et osez être vous-même, y compris à contre-courant. Faites l’amour le teint hâlé, pas la guerre … À la revoyure, dès notre numéro du 28 août !