Mesdames, messieurs, nous bousculons nos programmes de manière impromptue… Un billet n’est pas coutume, et cette fois, il ne s’agit pas d’une coquille oubliée, quinze jours après le dernier, je me colle à nouveau (avec plaisir) à l’exercice de jeter mon état d’esprit de l’instant sur papier, suppléant au clavier levé mon condisciple de plume, Éric Yung, qui rédigera le suivant. Ce mercredi de juin où je saisis ma prose sur écran, il pleut des cordes. Des larmes de crocodile et des rires de baleine – enfin, pas pour tout le monde – auront été versées il y a une poignée de journées sur 34 listes exposées au pilori. A 20 heures, dimanche 26 mai, certains ont pouffé, d’aucuns ont chouiné. La politique de l’autruche, ça trompe énormément. Quand on choisit de demeurer sourd, parfois la vue est recouvrée à marche forcée. Les voix hexagonalement exprimées parlent d’elles-mêmes : 23,31 % pour Jordan Bardella (Rassemblement National), 22,41% pour Nathalie Loiseau (LREM-Modem), 13,47% pour Yannick Jadot (Europe Écologie), 8,48% pour François-Xavier Bellamy (LR-droite-centre), 6,31% pour Manon Aubry (La France insoumise), 6,19% pour Raphaël Glucksmann (PS-Place publique), 3,51% pour Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France). Faute d’entente de la gauche, Benoît Hamon et son mouvement Génération.s possèdent des trains de retard sonnant la fin des haricots et là, ce n’est pas du tout une utopie habituelle de concepts, car le chiffre obtenu à la traîne pèse seulement 3,27%, alors même que le Parti animaliste, mené par l’avocate Hélène Thouy, rafle pour sa première participation 2,17%. Félins pour l’autre. De quoi inquiéter les réfractaires des steaks de soja mais pas de quoi fouetter un chat non plus, face à ce soubresaut des consciences éveillées. Et, de toute façon, pas touche aux moustaches, mais oh (meow) ! Sinon, pour le fun, Francis Lalanne, affectionnant porter le gilet, a chanté foutraquement la vie en jaune, récoltant un riquiqui béni oui oui (0,54%). Pour résumer, sur le podium en goguette, dans l’ordre décroissant, fachos, bobos, écolos. A partir de la marche numéro quatre, le repos du guerrier puis la débandade… Action, réactions, motivation ? L’heure de la reconstruction s’affiche sur toutes les lèvres de tous les hommes et femmes politiques qui ont vécu un lendemain qui déchante. Le seul sourire du scrutin européen fut sans doute celui du Rassemblement national. Il s’est hissé en tête dans le Loir-et-Cher. Le show rondement mené du trio Marine Le Pen / Nicolas Bay / Jordan Bardella – à 23 ans, hormis des «défauts » étiquetés, il convient de reconnaître la consistance assurée de ce dernier – en avril à la Halle de Mer aura-t-il pesé dans la balance en campagne(s) ? Bien qu’à Blois, la majorité présidentielle récolte 24,6 %, devant le RN à 17,98 % des voix contre 21,15 % en 2014. Au QG partisan à Blois, Michel Chassier, secrétaire départemental lepéniste, se sera toutefois joyeusement prêté au jeu des interviews. Le jour et la nuit en comparaison de l‘ambiance qu’il régnait, il y a deux ans au même endroit. Le soir de l’accession au trône, en 2017, du Président de la République, en la personne d’Emmanuel Macron, nous n’avons pas oublié cette poignée de militants frontistes, rue du Puits Châtel, qui criaient alors au loup médiatique, accusant pratiquement les journalistes locaux présents d’avoir favorisé l’atteinte du Saint-Graal à leur adversaire juré désigné. La roue tourne et des vents se lèvent… Signe de sujets d’actualité, la liste Europe Écologie Les verts aura aussi eu droit à sa tranche d’environnement engageant en troisième position, pendant que le petit chien attachant adoncques sur l’affiche du Parti animaliste agite, doucement mais sûrement, sa truffe de la joie, réalisant inopinément sur certaines communes un score autant, voire davantage, élevé que celui du séduisant Raphaël Glucksmann, et c’est finalement le second qui repart la queue entre les pattes. Les vieux de la vieille politique ne peuvent quant à eux qu’accuser ce coup qui n’est a fortiori pas une réelle surprise, l’épée extrémiste de Damoclès populiste planant depuis déjà maint votes annonciateurs. « Il y a une place pour la gauche. Mais cette place n’existe que rassemblée. À quand une vraie recomposition à gauche ? La politique n’est pas du marketing. Seules nos valeurs, notre colonne vertébrale idéologique doivent nous guider. Alors retroussons nos manches, oublions les querelles d’égo et mettons nos forces en commun pour changer le monde, » écrit Frédéric Orain, premier secrétaire fédéral du PS 41. Guillaume Peltier, vice-président des LR, député solognot, conseiller régional et ex-maire de Neung-sur-Beuvron, appelle de son côté à « un esprit de réconciliation » et prévient. « Les Républicains peuvent mourir. Je ne le souhaite pas et je ne le pense pas. » Nicolas Perruchot, président LR du Conseil départemental de Loir-et-Cher, ne se montre guère plus boute-en-train. « Le chemin s’annonce délicat. Il impose une réflexion sur la ligne politique et sur la stratégie d’alliances à mener pour la préparation des prochains scrutins. » Impression d’un éternel recommencement, et d’ailleurs, on songera inévitablement à la sempiternelle carte leader dans la manche, l’as de pique Sarkozy (ou Xavier Bertrand ? Ou Guillaume Peltier ? oseront les élus du Centre-Val de Loire chauvins) après la démission de Laurent Wauquiez de la présidence droitière naufragée. En décembre 2018, l’ancien chef d’État avait lui-même déclaré qu’il « pourrait être obligé de revenir ». Déjà-vu, nous l’écrivions. Il est grand temps d’ôter sa tête du sable et de se montrer une autruche courageuse face à l’échec de recettes surannées qui n’ont pas survécu à l’épreuve du four de la modernité… Peut-être, seule ombre positive au tableau noir, le taux de participation enregistré nationalement ce mois de mai 2019 fut de 50,12 %. Il était de 42,43 % en 2014. Les urnes européennes auront donné le ton (le maire PS de Blois, Marc Gricourt, préfère parler de « son »), tonalité à mémoriser pour de bon à l’approche des élections municipales de 2020 et consorts à suivre pour se mettre au diapason électoral, en omettant le piège égotique des victorieux trop sûrs d’eux. Pour l’instant, chacun semble peigner la girafe, il serait temps de faire suer le burnous ! « La vie ce n’est pas attendre que l’orage passe mais apprendre à danser sous la pluie, » dixit Sénèque. Alors, maintenant, chaloupez, gambillez et sortez les pépins éprouvés, mesdames et messieurs concernés …