La semaine des quatre samedis
Quand j’étais petit, les écoliers attendaient la semaine des quatre jeudis. Ensuite, bon collégien boutonneux, l’espoir était en la semaine des quatre mercredis. En grandissant, nous nous sommes vite rendu compte que ce n’était pas près de le faire. Alors quand arrive une période de 8 jours avec quatre samedis ( samedi 5 mai, lundi 7 mai, mercredi 9 mai, samedi 12 mai), synonymes d’autant de dimanches à suivre, de rencontres festives avec la famille, les amis, et même de premiers barbecues et d’apéritifs (sans alcool ou alors avec modération), le rêve devient réalité. En plus cela faisait une paye que ce n’était pas arrivé. Finalement, c’est bien la preuve que tout est possible même s’il faudra attendre 46 ans pour revoir ça ! Et, normalement, à moins d’égaler le record de Jeanne Calment, je ne pourrais pas en bénéficier. On se dit par ailleurs que, par miracle, un 1er janvier qui tombe un vendredi 13, ça serait aussi un sacré coup de chance… Cette semaine des quatre samedis ne pouvait que créer des divergences de vue entre ceux qui bossent, des privilégiés selon les uns, et ceux qui ne bossent pas, des privilégiés selon les autres. Comme quoi, on est toujours le privilégié de quelqu’un d’autre. C’est comme pour les cons, quoi. La différence c’est que depuis que la parole « est libérée » sur les réseaux sociaux, ces derniers occupent largement le devant de la scène.
Quatre samedis donc, l’occasion était trop belle pour le MEDEF et consorts de demander la suppression de tout ou partie de ces jours honnis qui grèvent le PIB national. Des semaines à quatre samedis ça arrive pourtant aussi souvent dans la vie d’un patron que dans celle d’un ouvrier/salarié.
Ainsi le mois de mai serait trop chargé en jours fériés, chômés, viaducs ou congés payés et cela causerait une perte de plusieurs millions d’’euros à l’économie française. Une perte qui n’en est pas une mais plutôt un manque à gagner, ce qui est très nettement différent d’un point de vue financier mais aussi linguistique. Rendons aux mots leurs valeurs et aux otages leurs preneurs. Comme l’énonce clairement le bon sens paysan « il ne faut jamais compter les œufs dans le cul de la poule » ou « c’est à la fin du marché que l’on compte les bouses … ».
Ainsi la France est le pays champion du monde de distribution du versement de dividendes aux actionnaires, donc une plus-value virtuelle redonnée pour de vrai, sans aucune valeur ajoutée à quelque produit que ce soit. Deux constats aussi antagonistes, en simultané, cela entre soit dans le domaine du foutage de gueule soit dans celui d’un libéralisme économique totalement assumé, soit les deux à la fois mon général ! Sur ce coup-là, Manu et Édouard ont même envisagé de faire travailler le prolo une journée de plus sans rémunération personnelle mais au bénéfice de l’État. C’est déjà arrivé vous diront les anciens, pas si vieux que ça, qui ont connu le coup de la Raffarinade de Pentecôte. Ce qui n’est pas une raison pour faire avaler aux autres la pilule !
Allons enfants de l’apathie (sic Antoine Blondin), bougez-vous les miches, sinon la réponse à la question « travaille-t-on pour vivre ou vivons-nous pour travailler ? » est toute trouvée. Et là on n’est pas loin de retrouver la définition de l’esclavage industriel. Après on peut toujours arguer des taxes, des charges, des jours fériés et tout le toutim pour expliquer un supposé coût du travail salarié excessif. Là encore on parle de perte alors que l’on devrait employer le terme « manque à gagner » ou « bénéfice supplémentaire ». Ce qui est très nettement différent d’un point de vue financier mais aussi linguistique. Preuve que l’argent n’a non seulement aucune odeur mais aussi aucune couleur et que la pigmentation de peau n’a rien à voir dans l’affaire : le patron peut être noir d’ébène et le salarié blanc lavabo. On comprend mieux, du coup, pourquoi le statut des cheminots peut être, pas seulement une épine, mais un véritable tas de ronce pour des pieds jupitériens. Après la simplification du code du travail, ce statut étatique est un exemple de ce qui doit être élagué, par consentement mutuel ou pas, et avec l’approbation de ceux qui ne sont pas concernés. “ Si en tant que travailleur, salarié, chômeur ou retraité, tu commences à penser qu’un autre travailleur, simplement parce qu’il a un acquis social que tu n’as pas, est un privilégié, alors n’oublie jamais qu’en retour, tu vas avoir le même discours qui va te concerner dans pas longtemps » expliquait voilà pas si longtemps Olivier Besancenot, représentant d’un parti politique aussi « momifié » qu’un syndicat non réformiste. Encore quelques mois, et il ne restera plus beaucoup d’étapes à franchir pour retrouver une société façon catalogue.
L’Inde est figée depuis des siècles dans ses sectorisations castiques. Les réformes à Manu sont en passe de faire mieux… Warren Buffet, troisième fortune mondiale, donc nécessairement grand homme de Gauche estimait, en 2005, que les riches ne s’étaient jamais aussi bien portés et qu’il était peut-être judicieux d’élever les taxes les concernant. Venant de quelqu’un qui déclarait aussi : “il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner .» Même si déjà écrit dans un précédent billet, ça fait toujours réfléchir, non ?
Fabrice Simoes