HISTOIRE Personnage mythique de Bourges, Alfred Stanke, le franciscain de Bourges a sauvé de nombreuses vies pendant la Seconde Guerre mondiale. L’association Les Amis du franciscain de Bourges veille sur sa mémoire.
Jacques Feuillet
Qui n’a pas lu le livre de Marc Toledano, regarder le film de Claude Autant-Lara ou entendu parler du franciscain de Bourges ? Alfred Stanke est né à Dantzig le 25 octobre 1904. Son père est polonais, slave et catholique. Il porte le nom de Stanicewski qui est germanisé et devient Stanke. Alfred Stanke est très vite attiré par la religion, et en particulier l’ordre de Saint-François d’Assises, les franciscains. Il entre à 16 ans à l’institut des frères franciscains hospitaliers de la Sainte-Croix avant d’être envoyé au Vatican à 20 ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé dans l’armée allemande et affecté à la prison de Bourges (Le Bordiot) comme surveillant infirmier. C’est là qu’il sauve des prisonniers de la Gestapo, aide même des résistants à communiquer avec l’extérieur et participe, au péril de sa vie, à la libération de prisonniers. Son histoire fut contée et connue grâce au livre de Marc Toledano : « C’est pour moi un grand honneur, un redoutable honneur dont je sens tout le poids de prendre la parole aujourd’hui en cette Maison Saint Antoine de Sélestat où a trouvé la mort, le Frère Allfred Stanke, le « Franciscain de Bourges », qui fut mon sauveur avant de devenir mon confident et ami très cher … ». Et l’écrivain résistant, décédé en 1986 d’ajouter : « pour tracer un portrait de cet homme de Dieu et pour décrire ce que fut son action durant les années de ténèbres, je m’inspirerai de cette maxime de La Bruyère, Les plus grandes choses n’ont besoin que d’être dites simplement, elles se gâtent par l’emphase ». Tout au long de cet émouvant témoignage, Marc Toledano retranscrit avec une extrême vérité, les moments où, grâce à un homme de Dieu mais aussi de cœur, l’espoir prenait parfois le pas sur le désespoir : « Pendant plus de dix-huit mois, il passera de cellule en cellule, des centaines de fois, jamais découragé par les rebuffades, affronts, insultes même qui l’accueillaient au début, finissant toujours par convaincre grâce à son regard évangélique, ses amis résistants français. Car pour lui, il n’existe ni juif, ni païen, ni noir, ni jaune, ni Germain, ni Latin, ni communiste, ni athée mais que des hommes qui souffrent, des frères en Christ. Jamais il ne faillira, nuit après nuit, déjouant toutes les embûches, passant à travers toutes les chausse-trappes avec astuce et rouerie, venant et revenant sans cesse les poches pleines de fruits, de biscuits, de tabac, de médicaments, de messages. Il connaissait le risque mais le méprisait, comptant sur Dieu et sa bonne étoile. Alfred Stanke était de ces âmes d’élite qui résistaient à l’asservissement et qui, comme les dix justes du temps d’Abraham, témoignaient pour une autre Allemagne bien avant Hitler. »
Marie-France Chausson présidente depuis 2004 de l’association Les Amis du Franciscain de Bourges, fille de Georges Ruetsch, résistant alsacien, interprète au Bordiot, et ami du franciscain se rappelle : « Je me souviens de cet homme imposant par sa carrure et au regard puissant…». L’amitié entre Georges Ruetsch et Alfred Stanke ne s’est jamais estompée à tel point que, selon ses dernières volontés, le franciscain de Bourges est inhumé dans le cimetière de Saint-Doulchard non loin de son ami.
Les Amis du Franciscain de Bourges organisent, chaque année, le 23 septembre, une journée en l’honneur d’Alfred Stanke, dit le franciscain de Bourges.
DETAIL ▶ Un livre et un film
Marc Toledano, écrivain, résistant, est arrêté et torturé avec son frère Yves à la prison du Bordiot. Secouru par le frère Alfred, 25 ans plus tard, Marc Toledano raconte son histoire « Le Franciscain de Bourges » (1967) qui sera porté à l’écran par Claude Autant-Lara en 1968.