Fin mai, Xavier Patier, auteur du « roman de Chambord », commissaire à l’aménagement du domaine national de Chambord et administrateur du château de 2000 à 2003, a présenté une conférence sur l’histoire de Chambord, au bénéfice de l’école Notre-Dame-de-Lourdes de Saint-Viâtre.
La première pierre de ce château mythique a été posée en 1519, date de la Renaissance en France dont on fêtera le cinq-centième anniversaire en septembre 2019. Seul domaine royal qui est aujourd’hui resté intact (Versailles a perdu les trois quart de son parc), c’est un château qui n’avait aucune fonction au départ (ce n’était ni une forteresse, ni une caserne, ni un logement, ni le « siège social » de la royauté). Il s’agit d’un rêve d’adolescent de François Ier, un projet esthétique et architectural, un château implanté au « milieu de nulle part » pour les besoins de la chasse et servir de rendez-vous discret pour les dames car caché des regards… Deux écrivains du XIXe, François-René de Chateaubriand et Alfred de Vigny avaient parfaitement compris que Chambord était à la fois dérobé et grandiose « enseveli dans les bois » (Chateaubriand) et « caché dans le brouillard » (Vigny). Chambord a été donc souhaité par François Ier qui avait découvert pour la première fois le lieu en 1512, alors qu’il avait quinze ans et qu’il chassait avec son oncle Louis XII. Chambord qui s’appelait alors Chambourg comportait un château-fort, un gué et un prieuré. En 1519, alors qu’il n’est pas élu empereur de l’empire romain d’Occident, François Ier décide de « faire l’Italie chez lui » en projetant de bâtir un palais extravagant dans une zone marécageuse afin d’impressionner ses adversaires, même si c’était avant tout un lieu destiné à ses amis. François Ier qui s’est toujours voulu architecte a griffonné les plans de Chambord mais le véritable architecte est l’italien Domenico Bernabei da Cortona, dit Boccador.
1539-1750 :
château royal
En 1539, a lieu l’inauguration de Chambord, alors que le donjon est terminé mais pas les ailes, année où Charles Quint traverse la France pour se rendre dans les Flandres. François Ier le reçoit à Chambord lors d’une fête inoubliable.
En 1552, le fils de François Ier, Henri II, organise à Chambord un sommet franco-allemand. Son successeur, Charles IX, s’y rend uniquement pour chasser. On dit qu’il y a forcé un cerf sans chiens. Henri III s’y rend qu’une fois et Henri IV n’y va pas.
Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, hérite de Chambord et y poursuit les travaux.
Louis XIV qui était passé à Chambord en 1650 au retour de son mariage sur la Bidassoa, y passe en 1660 trois semaines avec deux cent personnes. Le Roi Soleil décide d’y aller une fois par an pour le brame du cerf et Chambord devient une villégiature de vacances pour le roi et sa cour. On y chasse tous les jours et des représentations théâtrales ont lieu tous les deux jours. Les premières de Monsieur de Pourceaugnac et du Bourgeois Gentilhomme de Molière et Lully se font à Chambord respectivement le 6 octobre 1669 et le 14 octobre 1670. Mais à partir de 1685, Louis XIV cesse de se rendre à Chambord.
Le roi Stanislas de Pologne alors en exil et dont Louis XV a épousé la fille en 1725 s’installe quelques années à Chambord avant de récupérer son trône polonais en 1733. En 1745, Louis XV fait don de Chambord au maréchal de Saxe en récompense de la victoire de Fontenoy. Maurice de Saxe entreprend beaucoup de travaux dont le parterre nord et installe une garnison dans le village. A sa mort en 1750, Il laissera un château en très bon état.
1750-1930 :
château fantôme
A la veille de la Révolution, Jules de Polignac installe mille deux cent chevaux à Chambord avec pour projet d’y créer un haras mais il émigre aux premières heures de la Révolution. Le district de Chambord demande à la Convention la destruction de Chambord mais heureusement, aucune suite n’est donnée à ce projet. Le château et ses insignes royaux restent donc intacts. Il devient une prison sous le Directoire puis Napoléon Ier projette d’y placer l’école de la Légion d’Honneur qui s’installe finalement à Saint-Denis. Fin 1808, Napoléon fait don du domaine de Chambord au maréchal Berthier qui y va peu préférant Grobois. A sa mort en 1815, sa veuve hérite de Chambord et demande à Louis XVIII la permission de vendre ce domaine inaliénable. Elle l’obtient et en 1820, Calonne lance une souscription nationale afin d’offrir Chambord au fils du duc de Berry, où un million de francs sont récoltés. Charles X prend donc possession du domaine au nom de son petit-fils, Henri d’Artois, futur comte de Chambord. En 1870, après son exil, Henri V revient à Chambord où il prépare son retour à Paris avant de renoncer à exercer le pouvoir. Chambord devient la résidence secondaire de Robert Ier de Bourbon-Parme qui s’y rend pour chasser. En 1914, le tribunal de Blois place le château qui appartenait à élie de Bourbon-Parme, alors officier autrichien, sous séquestre. En 1919, le traité de Saint-Germain restitue à leurs propriétaires les biens sous séquestre qui appartenaient à l’ennemi.
Depuis 1930 :
château républicain
En 1930, l’état rachète Chambord à élie de Bourbon-Parme. Le domaine est placé sous l’autorité de la République. En 1939, les collections du Louvre, dont la Joconde, y transitent avant d’être abritées à Montauban. Lors de la Seconde Guerre mondiale, des résistants s’installent dans le domaine : c’est à cette époque que le Pavillon des Réfractaires prend son nom. En 1944, le château manque d’être brûlé suite à une embuscade. En 1947, un incendie ravage les combles d’une des tours. Cette charpente ainsi que celle de la chapelle sont refaites en béton. En 1953, le premier son et lumière a lieu à Chambord qui devient un haut touristique réputé.
Dans les années soixante-dix, Georges Pompidou, amateur de chasse, y organise des battues présidentielles au gros gibier et créé le poste de commissaire à l’aménagement de Chambord. En 2005, l’établissement industriel et commercial du domaine de Chambord est créé. Le 16 décembre 2017, Emmanuel Macron a fêté à Chambord son quarantième anniversaire, ce qui montre que ce lieu est chargé de symboles. Un endroit jupitérien ?
F. Monnier