Dans un entretien qu’il a nous accordé, Florent Foucard, directeur de l’établissement, explique son choix dans le cadre d’actions et de prérogatives qui est le sien.
LPB : Vous aviez rédigé un plan de développement de l’établissement pour la période 2016-2020, qu’en est-il aujourd’hui et quels sont les freins qui vous contraignent à revoir vos propositions ?
F.F : Vous n’êtes pas sans savoir que la donne a changé et que la réalité d’aujourd’hui n’est plus celle qui était au moment de la rédaction du dit projet. J’avais dit à l’époque que l’établissement vierzonnais était confronté à trois défis : d’abord, la démographie médicale. Certes, ce n’est pas nouveau sur le bassin vierzonnais et cela s’aggrave même. Les nouvelles informations qui me sont parvenues depuis 2016 m’obligent aujourd’hui à reconsidérer l’avenir du centre hospitalier. Ensuite, la situation budgétaire et financière. Au moment de la rédaction de ce projet, on commençait à voir un début de redressement avec une maîtrise notamment de nos charges et un certain développement de nos activités. On constatait une reprise et là aussi, le contexte a changé. Enfin, les Groupements Hospitaliers de Territoire. A l’époque, on ne voyait pas très bien lors de leur mise en place et aujourd’hui, on s’aperçoit qu’ils prennent une dimension encore plus importante que ce qu’on avait pensé. Un directeur d’établissement, lorsque les réalités changent, doit en tenir compte dans les orientations stratégiques qu’il propose pour les années à venir.
LPB : En quoi cette donne a réellement changé vos orientations ?
F.F : Pour la démographie médicale, je vois bien que de mois en mois et les années passant, le recrutement est de plus en plus complexe. Ce n’est pas propre à Vierzon car un récent article de France Bleu Berry laissait apparaître que Bourges était à 30 % de postes vacants ce qui, pour un centre bien plus important que le nôtre est phénoménal. Lorsqu’on regarde notre situation sur des spécialités particulièrement sensibles (chirurgie, maternité, pédiatrie), les perspectives ne sont pas bonnes. A l’horizon 2020, nous allons avoir des départs à la retraite, en particulier sur la gynécologie obstétrique. Trois départs de praticiens sur trois ans, déjà que pour en recruter un, c’est difficile, alors trois… Je n’ai aucune certitude à pouvoir dire à la population, je vais pouvoir recruter trois praticiens dans les années à venir. Alors se pose la question de savoir comment fera t-on fonctionner la maternité si nous n’avons plus de praticiens. Certes, on peut se retourner contre l’Etat, mais moi, Florent Foucard, directeur de l’hôpital, seul dans mon problème, je ne veux pas mentir à la population en claironnant que oui, on va trouver ces trois praticiens : je ne suis sûr de rien. Pour la chirurgie, c’est le même problème avec le départ en 2020 du chef de pôle ; là dessus, je n’ai encore aucune certitude à donner. A un moment donné, en toute responsabilité, je me suis dit qu’il fallait soulever le problème et surtout se poser la bonne question, à savoir : comment fait-on pour garder le maximum d’activités dans ces conditions ? Etre attractif pour des praticiens aujourd’hui, il n’y a pas cinquante solutions ; il faut avoir des équipes étoffées. Un praticien ne viendra jamais là où il ne trouvera pas une équipe (5/6 praticiens) qui lui garantira une meilleure répartition de la charge de travail. L’enjeu est bien d’assurer un pôle où il y a une concentration de professionnels plus forte pour ainsi, essaimer sur le territoire et offrir à la population une meilleure prise en charge, sécurisée et efficace. Faire l’autruche sur le recrutement médical ne me semble pas la bonne méthode. D’ailleurs, tous les établissements qui n’ont pas voulu se confronter à cette réalité sont aujourd’hui dans l’impasse. En ce qui concerne la situation financière ? Nous accusons aujourd’hui un déficit structurel de 2,45 millions d’euros et un endettement de 20 M€ (Opérations de modernisation de l’an 2000). Notre trésorerie est asséchée et nous ne sommes plus en capacité de répondre à nos obligations financières. Nous sommes en situation de cessation partielle de paiement et la fin de l’année s’annonce très difficile si nous n’avons pas un soutien financier exceptionnel de la part de l’ARS*. Lorsqu’on additionne ces deux défis, on arrive au scénario que j’ai proposé. Je ne suis pas ministre de la santé et je n’agis ni sur le système de financement ni sur la répartition des médecins sur le territoire. Je suis donc amené à proposer des choses impopulaires dont j’avais parfaitement conscience. Je souhaite que l’on me reconnaisse au moins d’avoir posé le problème sur la table et permis un débat offrant des solutions pour sortir de l’impasse ? C’est ce qui me tient à cœur ; que l’on ait toujours en ligne de mire, l’intérêt du patient.
LPB : Pour vous, c’est donc le croisement de ces deux crises médicales et financières qui explique les propositions d’aujourd’hui et que le sujet central est bien le bloc opératoire ?
F.F : Notre bloc opératoire, la nuit, n’a que peu d’activité et est extrêmement marginal, or nous avons un personnel présent pour assurer des services 24h/24 et qui pèse fortement sur la structure financière. Le coût est très élevé en exploitation mais aussi en investissement pour une activité hors ambulatoire. La question posée est donc simple : est-ce cohérent de rester dans une telle logique ? C’est certain qu’une fois posée, cette question entraîne celle de la maternité. A ce sujet, je n’ai jamais dit que nous allions fermer la maternité, aucune décision à ce sujet n’est prise même si dans le contexte actuel il était impossible de ne pas l’envisager dans le sens où, aurons-nous d’ici 2020 les effectifs médicaux nécessaires à son bon fonctionnement ? C’est pour cela qu’il faut regarder avec attention la situation de la maternité car elle conditionne l’ouverture du bloc opératoire de nuit. C’est dans cette optique d’incertitude à recruter trois praticiens d’ici 2020 que j’ai proposé le tout ambulatoire. C’est tout le contraire de ce qui a été colporté et c’est bien parce qu’il y a des incertitudes sur la maternité que la chirurgie est impactée. Je comprends que la population soit désorientée car ces problèmes sont très techniques et c’est vrai qu’elle peut se dire : mais pourquoi le directeur n’arrive t-il pas à recruter ? Mon constat est objectif et chacun peut se rendre compte de la pénurie de médecins généralistes, alors recruter des spécialistes demeure un parcours difficile. J’ai tout fait, tout pour recruter et j’ai pris beaucoup de choses sur mes épaules à ce sujet. Nous avons eu quelques succès avec un cardiologue qui arrivera en janvier 2018 et au 4 décembre, nous aurons un hépato-gastro-entérologue qui s’installera à l’hôpital.
Homme responsable qui a sur ses épaules bien des charges et qui assume parfaitement son rôle dans la mesure de ses prérogatives, Florent Foucard comprend les positions divergentes notamment celles du maire de la ville, les respecte mais il ne veut pas être l’homme dont on pourra dire après, il savait et n’a rien fait. « Je ne voudrais pas que l’on qualifie mon passage d’immobilisme ». L’intérêt du patient est clairement au cœur de ses réflexions et l’enjeu véritable est bien de maintenir les activités et les transformer en lien avec cette sournoise démographie médicale. Assurément, le sauvetage de l’établissement vierzonnais passe par le recrutement médical et la modernisation des structures. Quel est le meilleur moyen pour y parvenir, là est la question ? Les praticiens jouent-ils vraiment le jeu dans ce projet de sauvetage ?
Jacques Feuillet
* ARS : Agence Régionale de Santé
Nicolas Sansu, maire de Vierzon, s’exprime sur la situation de l’hôpital
Reçu en compagnie d’une délégation vierzonnaise composée de salariés, citoyens, praticien représentants syndicaux (CGT, FO) par la directrice de l’ARS*, Nicolas Sansu apporte ses arguments et réflexions.
Ils étaient une bonne trentaine à s’être déplacés à Orléans au siège de l’Agence régionale de santé et une petite délégation a rencontré la directrice Anne Bouygard et lui a remis les 18 627 signatures d’une pétition qui a montré la mobilisation des Vierzonnais quant à l’avenir de leur centre hospitalier qui traverse actuellement une crise financière et médicale. Nicolas Sansu déclare : «les deux scénarios proposés sont le pire du pire avec pour l’un, la suppression de quarante emplois et l’autre, optant pour la fermeture du bloc opératoire ce qui, de facto, entrainerait la fermeture de la maternité. Ce n’est pas tenable et lorsqu’on évoque les coûts trop élevés, alors, on donne bien 3 milliards aux plus riches ; il faut arrêter de nous prendre pour des zozos. On nous parle des groupements hospitaliers de territoire mais cette solution, pas terrible, n’a rien apporté et nous sommes dans une optique de grands centres hospitaliers dans les villes préfectures et pour les autres ; une dimension hospice par exemple ? C’est dire s’il faut que la population se mobilise car les enjeux sont vitaux pour lutter contre cette métropolisation qui mettra la sécurité des personnes en difficulté. Les hôpitaux affichent des chiffres hallucinants de postes vacants ; Bourges 30, Orléans 41… C’est inadmissible et nos hôpitaux de proximité doivent se mobiliser pour ce qui va être une bataille forte et surtout maintenir la base des discussions, à savoir revenir sur les deux scénarios proposés par le directeur. Nous, nous proposons un scénario de développement, on peut faire sans être toujours dans la restriction ou la diminution. Quelle offre de soins pour un bassin de 60 000 personnes et à ce titre, la directrice de l’ARS viendra à Vierzon rencontrer la communauté médicale pour voir ce qu’il est possible de faire dans le cadre d’un travail de réorganisation. J’ai proposé qu’un collectif de professionnels œuvre pour une solution médicale alternative. Nous avons réussi pour l’IRM, je pense que nous réussirons également à maintenir les missions de l’hôpital. A ce sujet, je propose une grande réunion publique le 13 novembre salle Madeleine-Sologne où chacun pourra s’exprimer, du personnel aux praticiens.