Certains étangs de la Brenne regorgent de sangsues. Pour les déloger, il vous faudra chercher l’endroit de la mare le plus encombré par la végétation, et avec une pelle, ramener la vase sur le bord… En cherchant bien vous pourrez en voir une ou deux bouger lentement. Si elle rencontre un obstacle dur, elle peut alors se déplacer en se fixant par une large ventouse de l’arrière, puis elle s’allonge presque à l’horizontale, attache sa petite ventouse de l’avant et, brusquement, détache sa fixation arrière et vient la coller près de celle de l’avant et ainsi de suite… Puis, ayant retrouvé l’eau, elle part à la nage en faisant onduler tout son corps.
Ce qui fait la « célébrité » de la sangsue, c’est son appétit pour le sang chaud des gros animaux et de l’homme.
Il faut dire que la sangsue est douée pour aspirer le sang : comment fait-elle ? Voici son secret : elle fixe sa ventouse antérieure, la plus petite des deux, sur la peau, et par une aspiration, fait saillir celle-ci qui se boursoufle à l’intérieur de la ventouse. Entrent alors en jeu ses trois mâchoires, ou plutôt les trois scies disposées en étoile : chacune est armée d’une centaine de dents : leur va-et-vient a vite fait de fendre la peau. Les lèvres de ces trois fentes s’écartent, formant un orifice triangulaire par où s’écoule le sang qui ne cessera pas de sortir sans que le moindre caillot ne vienne l’arrêter car la salive que la sangsue a versée dans la blessure empêche absolument le caillot de se former.
Le sang remplit alors son énorme estomac qui occupe presque tout son corps. Une sangsue de 2 grammes peut absorber 12 à 13 grammes de sang en deux heures. Repue, elle se détache alors, elle passera ensuite plusieurs mois pour achever sa digestion.
Pendant des décennies, les sangsues furent utilisées pour la saignée des malades. Vers le milieu du XIXème siècle, les besoins des hôpitaux parisiens dépassaient annuellement le million de sangsues. De véritables élevages en étangs étaient installés dans la Brenne : les jeunes sangsues étaient nourries de grenouilles et de tritons, mais devenues adultes, elles exigeaient du sang chaud qui était fourni par des vieux chevaux.
Agées de cinq ans seulement, les sangsues étaient utilisées dans les hôpitaux. On peut cependant se demander comment les sangsues, dans les mares berrichonnes, détectent la présence des jambes des pêcheurs ou celles des animaux qui vont boire : on pense qu’elles possèdent un sens particulier qui leur permet de s’orienter.
Pendant longtemps, nos paysans berrichons ont venté l’emploi des sangsues, mais de nos jours, on n’est moins certain de la valeur d’autant plus qu’on n’a pas éloigné le danger d’introduire des microbes suspects. Néanmoins son utilisation n’a pas totalement disparu mais elle est limitée à des cas bien précis…
On a vu encore dernièrement des personnes qui, volontairement, trempaient leurs jambes dans des mares en attendant que les sangsues viennent se coller sur leurs mollets…