Le 8 avril 1937, Vierzon(s) devenait Vierzon née de la fusion des quatre communes de Vierzon Ville, Villages, Bourgneuf et Forges.
Hommage est rendu aux ainés qui ont œuvré à cette fusion après bien des péripéties, divisions, pressions, pétitions, affrontements également sous fond de campagne aux élections municipales de 1935. La conférence d’Alain Leclerc sur « les enjeux de la fusion » était d’une impressionnante qualité faite de précision, d’anecdotes croustillantes et révélatrices de l’ambiance qui régnait au cours de ces dernières années avant la fusion d’avril 1937.
Les enjeux de la fusion
La première tentative de réunification date de 1793 et de deux communes en 1848 (Ville et Villages), c’est quatre communes qu’il faudra convaincre avant la fusion de 1937. Bourgneuf en 1886 et Forges en 1908 ayant acquis leur indépendance.
De la division à la fusion
Difficile d’entreprendre une fusion alors que la commune des Forges vient d’être créée. Il faudra vingt ans pour qu’une solution soit proposée afin de répondre aux attentes de tous : la fusion des quatre Vierzon dans un « Grand Vierzon ».
La politique va s’emparer de cet enjeu notamment avec les élections municipales de 1929 qui voit l’élection de Georges Rousseau à Villages lui qui vient du parti communiste français nouvellement créé depuis le congrès de Tours en 1920. Fort de sa brillante investiture municipale, l’élu communiste sait qu’il peut compter sur une population ouvrière dévouée.
La presse s’en mêle
A cette époque, deux journaux locaux voient le jour ; le mensuel Cocorico vierzonnais et l’hebdomadaire Le journal de Vierzon. Ces deux journaux vont prendre fait et cause pour la fusion au nom du principe qu’il ne faut pas laisser trop d’espace au PC pour mener campagne. Cocorico de Dehaullon et Poivert est pour le progrès et fustige les aberrations liées à la division. Ce mensuel se rendra célèbre grâce à ses caricatures signées Roger Rabot. Le journal de Vierzon lui, est écrit par deux autres notables : Louis Boré et Jean Foucrier (fondateur de La dépêche du Berry en 1893) qui sera nommé commissaire enquêteur lors de l’enquête commodo incommodo sur la fusion de 1934.
2 décembre 1930, première réunion en mairie de Vierzon Ville.
L’initiative en revient au maire de Villages Georges Rousseau et vingt-trois membres des différents conseils municipaux sont réunis. Avec 17 voix pour et 6 abstentions, l’idée de la fusion est devenue réalité et pouvoir est donné aux quatre maires pour aller discuter avec le préfet du Cher. Parmi les abstentionnistes, on retrouve le maire de Forges Antoine Rozay et de Bourgneuf Louis-Félix Chariot, tous deux farouchement opposés à la fusion ; ils seront à l’origine de ce nouvel échec.
L’Etat reprend la main
La crise de 1930 est là et les années 32-33 touchent durement l’agglomération. Vierzon compte 400 chômeurs et Georges Rousseau infatigable, relance le projet de fusion. Gros clash entre Rozay, Chariot toujours plus anti fusion et Georges Rousseau. La presse locale s’empare de l’évènement et ainsi, le préfet intime aux différents conseils municipaux de prendre une position ferme sur cette affaire. Les délibérations de Ville et Villages sont concordantes. Forges laisse à la future enquête le soin de décider, Chariot fait voter non à son conseil municipal, ce qui lui vaut les foudres de Cocorico où il est caricaturé en Furher installant une frontière sur le Cher ; sorte de ligne de démarcation : dessin prémonitoire à ce que sera l’histoire de 1940. Le préfet, qui n’a que faire des délibérations de Forges et Bourgneuf, lance une enquête commodo-incommodo en janvier 1934.
Presse, comités fusionnistes, anti-fusionnistes prêts à en découdre
Le comité intercommunal fusionniste est présidé par le docteur Constant Duval. La presse joue un grand rôle ; Cocorico multiplie les caricatures et exhorte les Vierzonnais à aller signer pour la fusion. Le commissaire enquêteur nommé par le préfet n’est autre que Jean Foucrier rédacteur du Journal de Vierzon et à l’époque, adjoint au maire socialiste de Bourges.
Les anti-fusionnistes s’organisent ; à Bourgneuf, c’est l’assureur Ageny qui prend la tête du mouvement et fait circuler des pétitions dont le modèle servira à Forges. Il est dit notamment : « … comme les avantages de la fusion seraient nuls et que les inconvénients seraient très graves, nous demandons à M. le préfet de ne pas se prêter à la consommation d’une complète injustice… ».
Le « oui » l’emporte
Comme tous les abstentionnistes sont considérés favorables, il ne reste plus qu’aux anti-fusionnistes de faire du porte à porte. Chariot sera accusé à Bourgneuf de faire pression sur les habitants pour qu’ils signent ses pétitions. Peine perdue, seules les pétitions signées en mairie seront déclarées recevables. L’enquête du commissaire est achevée le 24 juin 1934 et son rapport est très favorable à la fusion. Forges proteste, traitant Foucrier de « sommet de mauvaise foi ». Les élections municipales de 1935 approchent, la fusion est au cœur de la campagne et elles vont être un plébiscite pour les listes du Front populaire. A villages, Georges Rousseau est réélu au premier tour, à Vierzon Forges c’est identique pour la liste communiste d’Ernest Gazeau et à Bourgneuf, c’est le communiste André Collier qui est élu au second tour. A Vierzon Ville la mésentente entre PCF et SFIO profite à Beaufrère qui est réélu au second tour. Le maire fraichement élu décède un mois après et Cendre devient le nouveau maire. Un nouveau conseiller est donc élu et c’est Echamel homme du Front populaire qui est élu. Les Vierzonnais ont certainement voté pour la fusion contre la municipalité. Des tergiversations continuent et bloquent le processus, notamment du côté de Cendre qui traîne les pieds. A l’automne 1936 rien n’est encore fait et ce faisant, la paperasse administrative fera qu’enfin le 8 avril 1937 un arrêté du préfet Taviani réunit les quatre localités et propose la réunification des quatre communes sous le nom de Vierzon. Il faut pour cela attendre les conditions fixées par délibérations municipales concordantes car les élections générales ont lieu en mai 1937. Le 2 mai 1937 la liste populaire pour le grand Vierzon présentée par le parti emporte les suffrages (53%). Les socialistes sont balayés et une semaine plus tard, le 9 mai 1937 le conseil municipal installe Georges Rousseau au fauteuil de maire. S’ensuivra bien des années tourmentées. Georges Rousseau de retour de déportation reprendra son poste de maire en avril 1945. Il sera battu en 1947 par le socialiste Maurice Caron.
Jacques Feuillet
Référence photos et texte : Alain Leclerc, cercle historique de Vierzon
Fusion des quatre Vierzon : Inauguration du carrefour du 8 avril 1937
Le carrefour des rues Voltaire, Armand Brunet et avenue de la République prenait ce 8 avril 2017 le nom de : Carrefour du 8 avril 1937.
Célébration hautement symbolique que ce dévoilement de la plaque commémorative de la fusion des quatre Vierzon par le député maire Nicolas Sansu et la première adjointe Marie- Hélène Bodin. Symbolique car c’est sur ce lieu même de Vierzon Ville que se croisent les rues venant des communes : Vierzon Bourgneuf, Vierzon Forges, et Vierzon Villages. Cette particularité est toujours bien réelle chez les Vierzonnais qui se sont majoritairement identifiés à ce qui est désormais un quartier mais qui demeure dans l’esprit, la commune de leur vie. « Au détour des rencontres, beaucoup disent encore aujourd’hui par exemple : je suis de Villages, des Forges, de Bourgneuf… ». Symbolique aussi car cet emplacement au cœur de la ville* va devenir un espace synonyme de renouvellement de la ville, qui va « bouleverser l’image de la ville en écrivant une page essentielle de notre ville. Fêter ces quatre-vingts ans, c’est aussi se projeter dans une nouvelle phase qui ne sera certes pas une fusion avec d’autres communes mais un meilleur travail en commun pour relever les défis contemporains. Nous le ferons avec nos voisins de la couronne vierzonnaise mais aussi, avec les villes voisines de Bourges et Châteauroux ». En concluant par des remerciements appuyés aux services, au personnel, aux élus, associations, comités de quartier, Nicolas Sansu terminait ce vibrant hommage, à ces anciens qui ont tant œuvré après bien des péripéties de séparation et de rapprochement, à la concrétisation de cette fusion faisant de Vierzon(s) cette « jeune » cité actuelle (80 ans) de Vierzon (sans « s ») : « Nos hommages seront légions cette année au cours des grands évènements culturels, associatifs et aussi par des visuels sur l’hôtel de ville et une charte graphique déclinée jusqu’à fin 2017 puisque nous changeons cette charte à l’occasion de ces quatre-vingts ans »
* Projet Brunet Rollinat dans le cadre du Plan de renouvellement urbain qui consistera à la destruction puis la rénovation de l’îlot Brunet-Rollinat véritable goulot d’étranglement en entrée de ville.
Jacques Feuillet