Inass Touloub aurait eu 35 ans le 3 juillet prochain. Le 11 août 1987, au petit matin, son jeune corps frêle et recroquevillé dans une couverture d’enfant de tout juste 4 ans gisait en bordure de l’autoroute A10, sur le territoire de la commune de Suèvres, dans le sens Paris-province. Ses parents, ses deux sœurs aînées et les deux aînés de ses quatre frères cadets continuèrent leur chemin vers le Maroc, après une halte de repos sur l’aire de Villerbon, dans la voiture qui avait servi de corbillard… Morbide randonnée partie de la banlieue parisienne en pleines vacances estivales. Une forme de scénario pour un film plus que noir.
Presque 31 ans après, celle qui resta longtemps « la martyre de l’autoroute A 10, sans nom » est presque identifiée, et ce, à la suite de plus d’un an et demi de longues et patientes enquêtes, de recoupements et de conclusions ciselées au millimètre près, via l’ADN (Acide Desoxyribo Nucléique) prélevée sur son frère impliqué dans un fait divers, sans aucun lien avec l’affaire de l’autoroute. Les aveux des parents ont conforté les conclusions des enquêteurs de ce second volet administratif. La vérité éclatait alors ! Dans sa froide brutalité. Dans son horreur. Dans une certaine forme de folie… meurtrière.
Le juge d’instruction de l’époque, avant d’ordonner que le corps de la fillette, une fois autopsié, soit inhumé à Suèvres, où depuis sa tombe a toujours été fleurie, avait souhaité que le dossier ne soit jamais refermé, convaincu qu’il était, avec les gendarmes que l’affaire serait résolue un jour. Tous ses successeurs ont fait en sorte que, juste avant sa clôture légale, le dossier soit prolongé.
Dans un point-presse au Tribunal de Grande Instance de Blois, Frédéric Chevallier, procureur de la République, et le colonel de gendarmerie Thomas Andreu, commandant de la section de recherches d’Orléans, ont rappelé que le temps n’avait jamais été contre les enquêteurs et la justice, en reconnaissant que la qualité des premières investigations, des prélèvements, des notifications topographiques et indiciaires avait été exceptionnelle dans leurs ensembles.
Les progrès des recherches en matière d’ADN ont été soulignés ainsi que les techniques qui ont évolué sur les mêmes bases, toutefois, les premiers prélèvements ayant été effectués dans les meilleures conditions possibles.
La persévérance des gendarmes n’a jamais failli au fil des décennies et le dossier n’a jamais été refermé.
Reste à savoir si la dépouille d’Inass va rester définitivement à Suèvres. Ce serait, peut-être, la meilleure des conclusions à cette tragique affaire qui a mobilisé tant d’énergie depuis presque 31 ans. Qu’elle y repose en paix loin du reste d’une famille en deuil d’une sœur, certes, mais aussi de parents monstrueux qui ne méritent même plus ce titre… Même si, après leurs aveux, ils se sont sentis libérés d’un poids et d’un remords qui devait hanter leurs jours et leurs nuits depuis août 1987.
Jules Zérizer